Résultats de Rheinmetall : en attendant que la réarmement européen passe à la vitesse supérieure

Jacob Falkencrone
Responsable de la Stratégie d’Investissement
Points clés :
La mollesse du deuxième trimestre est due à des retards politiques, et non à un affaiblissement de la demande. Un carnet de commandes record de 63 milliards d’euros soutient la croissance future.
D’importantes commandes allemandes sont attendues au quatrième trimestre, susceptibles de stimuler le chiffre d’affaires, les marges et, potentiellement, de conduire à une révision à la hausse des prévisions.
La valorisation de l’entreprise est exigeante : les gains futurs dépendront d’une exécution sans faille et de la bonne livraison des contrats.
L’allemand Rheinmetall est devenu l’un des symboles de la nouvelle ère de défense en Europe : pilier industriel de la relance de l’armement de l’OTAN et grand bénéficiaire du virage géopolitique amorcé après la guerre en Ukraine. Mais, dans sa dernière publication de résultats, le plus gros fabricant d’armes d’Europe a montré ce qui se passe lorsque la stratégie se heurte à la politique : de solides perspectives à long terme, mais un coup d’arrêt temporaire.
« Le cycle de défense est bien réel, mais il n’est pas linéaire. L’histoire de croissance de Rheinmetall reste intacte – ce trimestre est une pause, pas un changement de cap. »
Des résultats solides, freinés par la politique
Au deuxième trimestre, Rheinmetall a enregistré un chiffre d’affaires de 2,43 milliards d’euros, en hausse de 8,8 % sur un an, mais légèrement en dessous des attentes (2,52 milliards). Le bénéfice opérationnel a atteint 276 millions d’euros, contre 270 millions un an plus tôt. La marge opérationnelle a reculé à 11,3 % (contre 12,1 % au T2 2024). Ce ralentissement contraste avec le premier trimestre, qui affichait une croissance de 46 % des ventes.
Le bénéfice net a toutefois plus que doublé, à 159 millions d’euros, preuve de la solidité opérationnelle.
L’action Rheinmetall a chuté de plus de 5 % après la publication, les investisseurs réagissant au chiffre d’affaires et aux nouvelles commandes inférieurs aux attentes, malgré la confirmation des objectifs annuels.
Le vrai sujet n’était pas le chiffre d’affaires, mais l’absence de commandes attendues. L’entrée de commandes a été inférieure aux prévisions, le retard du budget allemand repoussant des contrats de défense à la seconde moitié de l’année.
« Ce trimestre, il ne s’agissait pas d’un problème de demande, mais de signatures retardées à Berlin. »
Retards politiques, pas recul de la demande
La transition politique en Allemagne après les élections et l’approbation tardive du budget ont ralenti le lancement de nouveaux contrats de défense. Les appels d’offres étant en attente, les commandes espérées ont été reportées. Une fois le budget 2025 validé par le Parlement après la pause estivale, le flux de contrats devrait s’accélérer – d’autant plus que le chancelier Merz a assoupli les règles budgétaires pour permettre une hausse des dépenses militaires.
Malgré cela, le carnet de commandes a atteint un nouveau record historique : 63,2 milliards d’euros, soit plus de six fois le chiffre d’affaires annuel, et il continue de croître.
Le PDG Armin Papperger reste confiant :
« Nos carnets de commandes sont pleins et continueront de se remplir. »
Le budget de la défense allemand devrait augmenter de 70 % d’ici 2029, et l’engagement de l’OTAN de porter les dépenses militaires à 5 % du PIB pour les pays membres renforce encore les perspectives.
Performance par segment : les munitions en tête
La force de Rheinmetall se trouve dans son segment armes et munitions, dont les ventes ont progressé de 25,6 % sur un an au premier semestre, portées par la demande d’obus de 155 mm et de munitions aux normes OTAN, alimentée par le soutien à l’Ukraine et le reconstitution des stocks.
Le segment véhicules blindés affiche aussi une bonne performance (+46 % de ventes au S1). Mais tout n’est pas parfait : le flux de trésorerie libre est tombé à –911 millions d’euros au T2, plombé par l’accumulation de stocks et un niveau élevé d’investissements. C’est un indicateur que les investisseurs surveilleront de près.
Objectifs maintenus… pour l’instant
Malgré ce trimestre en demi-teinte, Rheinmetall maintient ses prévisions : croissance annuelle du chiffre d’affaires de 25 à 30 %, avec une marge opérationnelle de 15,5 %. Ce scénario ne prend pas encore en compte les effets potentiels de la hausse des budgets de défense en Europe.
La plupart des analystes anticipent une révision à la hausse plus tard dans l’année, à condition que les retards de contrats soient levés. Le vrai test viendra au quatrième trimestre, lorsque le processus d’achats publics allemands reprendra pleinement.
L’exécution doit suivre le rythme
Rheinmetall se développe rapidement pour répondre aux besoins européens : nouvelles usines de munitions et de composants pour F-35, partenariats stratégiques en Inde et en Espagne… Ces investissements consolident sa place comme acteur clé de la défense pour l’OTAN et ses alliés.
Mais l’action se paie cher : un PER anticipé d’environ 57 fois, bien au-dessus de la moyenne historique. Ce niveau reflète des investissements anticipés et des contrats en attente, plus que la rentabilité actuelle.
Si les livraisons de contrats accélèrent et que les résultats suivent au second semestre, cette valorisation pourrait se normaliser. En revanche, si les retards persistent ou si les marges reculent, la marge d’erreur est faible.
« À 57 fois les bénéfices attendus, il faut que le scénario se déroule parfaitement – l’entrée n’est pas bon marché. »
Ce que les investisseurs doivent surveiller
Attribution des contrats au T4 : moment décisif. Si les commandes allemandes arrivent comme prévu, les résultats annuels pourraient surprendre positivement.
Retour du flux de trésorerie positif : vérifier si l’accélération des livraisons transforme le carnet en cash.
Stabilisation des marges : surtout dans les segments non militaires et électroniques, où la rentabilité a baissé.
Bonne exécution des investissements : les nouvelles usines doivent produire comme prévu.
Environnement macro et politique : la défense est cyclique et sensible aux élections, aux politiques publiques et aux tensions géopolitiques.
Une position forte, mais chère
Le T2 de Rheinmetall n’a pas séduit la Bourse, et le titre a reculé. Pourtant, l’entreprise reste au cœur d’une tendance structurelle majeure : le réarmement européen. Les retards sont agaçants, mais ils ne signifient pas un affaiblissement de la demande. En matière de défense, la politique n’est pas un bruit de fond : c’est une partie intégrante du cycle.
Pour les investisseurs, Rheinmetall n’est plus le pari discret qu’il était en 2022. C’est désormais une valeur emblématique de la croissance industrielle européenne, soutenue par la hausse des budgets militaires, la réorientation stratégique de l’OTAN et la remilitarisation du continent.
Cela dit, la prudence s’impose : à ces niveaux de valorisation, une grande partie de l’optimisme est déjà intégrée au cours. L’exécution devra être impeccable pour justifier ce prix.
« Ce n’est plus un pari bon marché sur un secteur porteur – c’est une position qui doit délivrer. Avec des attentes aussi élevées, il y a peu de place pour l’erreur. »
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