Tendu

Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
Les opérateurs sont plutôt tendus en ce début de semaine. La trajectoire de l’inflation et des taux sur le marché obligataire continue de provoquer quelques sueurs froides. Au cours des dernières séances, de nombreux avertissements concernant l’économie mondiale ont été émis. Ça ne rassure pas. De plus en plus d’entreprises s’attendent à une rentrée de septembre compliquée (avec revue stratégique des business plans et coupes dans les investissements). Le pire sera peut-être l’année 2023 où nous ressentirons tous les effets négatifs de la hausse de l’inflation et du ralentissement économique. Bref, le moral est bas dans les salles de marché, chez les investisseurs et dans les entreprises. La semaine est plutôt calme au niveau des résultats d’entreprises. Il faudra surtout surveiller les résultats d’Inditex (la maison-mère de la marque de vêtements Zara) afin d’avoir une idée de l’état de la consommation en Europe. Plus tard, ce jeudi, DocuSign sera sous les projecteurs – l’entreprise a été victime, comme d’autres, de la panique sur les valeurs technologiques américains. Les analystes s’attendent à une croissance du chiffre d’affaires de 24% en variation annuelle (en baisse). Ça ne devrait pas être prompt à restaurer la confiance.
- Le pic d’inflation n’est certainement pas atteint aux Etats-Unis. Dans une récente étude, Larry Summers, ancien secrétaire du Trésor américain, a mis en évidence que l’inflation sous-jacente est essentiellement tirée vers le haut par le prix des logements en location qui devrait continuer de progresser selon toutes les attentes. Si les taux d’inflation historiques sont ajustés en prenant en compte les modifications qui ont affecté le panier de mesure de l’indice des prix à la consommation, le niveau actuel d’inflation sous-jacente est bien supérieur aux pics atteints dans les années 1950 et au début des années 1970 selon l’étude de Summers. Cela laisse entendre que la lutte contre l’inflation sera beaucoup plus complexe que beaucoup d’acteurs de marché ne l'anticipent. En conclusion, Summers appelle à une politique monétaire beaucoup plus agressive - similaire à celle mise en place par Paul Volcker au début des années 1980. Elle avait réussi à faire refluer l’inflation mais cela avait poussé l’économie américaine en récession. Il est impossible avec de tels niveaux d’inflation d’éviter une récession, certainement.
- Les difficultés du secteur de l’aérien perdurent. Le gouvernement suédois vient d’annoncer son refus d’injecter plus de capital dans la compagnie SAS (le titre a perdu près de 46% depuis le début de l’année). Les négociations entre la direction de l’entreprise et ses actionnaires piétinent. Plusieurs sujets de discorde persistent, en particulier sur les coûts de structure qui ne sont pas viables dans le contexte actuel de forte hausse des prix de l’énergie et d’accroissement de la concurrence. Beaucoup d’autres entreprises du secteur connaissent des difficultés en bourse depuis le début de l’année : Air France (-11%) ou encore Easyjet (-9,2%). Mais il y a aussi quelques bonnes surprises, comme Lufthansa (+8,3%).
- Sur le marché pétrolier, la tendance de fond est toujours haussière. Le WTI se négocie autour des 119 dollars. La hausse de la production décidée par l’OPEP+ la semaine dernière n’a pas réussi à apaiser les inquiétudes concernant les difficultés d’approvisionnement. L’Arabie Saoudite n’a d’ailleurs pas complètement joué le jeu. Le pays a augmenté plus que prévu ses prix de vente pour le mois de juillet pour l’Asie en anticipant une forte hausse de la demande avec la sortie des confinements en Chine. Le Brent évolue autour des 120 dollars. A deux reprises, le seuil des 122 dollars a stoppé net la phase de progression (mais la vraie résistance se situe à 123,75 dollars). L’offre sur le marché pétrolier reste insuffisante pour répondre à la demande. La progression récente des CAPEX est un signal d’espoir. Mais cela prendra un peu de temps pour avoir des effets d’entraînement positif sur le marché. De notre point de vue, seule une destruction de la demande peut permettre un rééquilibrage durable. Cela implique d’atteindre un prix beaucoup plus élevé, certainement au-dessus des 130 dollars.
Les résultats d’entreprises continuent avec Acciona Energias Renovables (renouvelable), Nuance Communications (logiciels d’imagerie et de reconnaissance vocale pour les particuliers), Dollarama (magasin à prix unique, au Canada), Brown-Forman (boissons alcoolisées), Five Below (discount), Inditex (nul besoin de présenter l’entreprise), Campbell Soup (agroalimentaire), Aveva Group (technologies de l’information) et Full Truck Alliance (plateforme de répartition de fret).
Ce jeudi, la réunion de la BCE va ouvrir la voie à une première hausse des taux directeurs depuis 2011, probablement d’une ampleur de 25 points de base. L’institution souhaite procéder avec doigté, c’est pourquoi une hausse de 50 points de base (évoquée par certains analystes) est exclue. La banque centrale devrait aussi annoncer la fin de son programme de rachats d’obligations à cette occasion. La première estimation de l’indice des prix à la consommation aux Etats-Unis en mai sera l’autre point d’attention cette semaine. La publication est prévue vendredi. L’inflation devrait diminuer à 8,3% en glissement annuel, selon le consensus. L’inflation sous-jacente est aussi attendue en repli à 5,9% contre 6,2% en avril. Mais les prix des loyers, des véhicules neufs et des denrées alimentaires sont susceptibles de progresser. Il est encore trop tôt pour savoir si le pic d’inflation est déjà derrière nous. En France, le gouvernement a estimé que le pic d’inflation ne serait atteint qu’en 2023…Il faut rester humble concernant les prévisions d’inflation. Le track record est souvent mauvais.
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