Retour dans les années 1980
Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
Les opérateurs doivent s’habituer à ce que les déboires bancaires aux Etats-Unis viennent épisodiquement perturber la bonne marche des bourses. C’est le cas en ce moment avec First Republic – 14èmeplus importante banque américaine en termes d’actifs. Son action a chuté de plus de 44% lors de la journée de mardi et la baisse depuis le début de l’année est de 93%. On dirait une small cap cotée sur le BME espagnol ! Et pourtant, ce n’est pas le cas. Le mouvement de M&A dans le secteur bancaire américain n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé dans les années 1980 avec les caisses d’épargne américaines (la hausse des taux par la banque centrale américaine fut l’un des facteurs déclenchant la crise). Par le passé, cela s’est traduit par une baisse du crédit mais pas par une récession. Nous doutons toutefois que l’économie américaine soit en mesure d’éviter une récession mineure. C’est d’ailleurs ce qui devrait inciter la banque centrale américaine à faire une pause de politique monétaire après la hausse de 25 points de base prévue la semaine prochaine. Du point de vue de l’investisseur, il ne faut pas exagérer l’impact possible sur les marchés des difficultés bancaires américaines. Nous voyons la baisse des actions comme un point d’entrée. A court terme, la dynamique de marché est toujours favorable à condition d’être positionné sur des actifs liquides (cela signifie, par exemple, qu’il n’y a aucun intérêt à tenter une aventure sur les actifs émergents qui affichent une performance médiocre depuis le début de l’année, mais également sur cinq ou dix ans).
- Il n’y avait pas beaucoup de statistiques hier. Aux Etats-Unis, le consommateur américain commence à montrer des signes de faiblesse. L’indice du Conference Board a chuté à 101,3 contre 104,0 prévu par le consensus. Le problème n’a pas tant trait à la situation actuelle (en hausse par rapport au mois de mars) qu’aux anticipations futures (forte chute de 74,0 à 68,1 en un mois). Il semble que la perspective d’une récession (ou au moins d’une période économique difficile) soit intégrée par les ménages américains. Cela tombe plutôt mal pour le président Biden qui souhaite être reconduit pour un nouveau et dernier mandat. En Asie, les dernières statistiques chinoises sont encourageantes : hausse des exportations de 14,8% sur un an en mars, croissance de 4,5% au premier trimestre etc…Et pourtant, l’économie chinoise est en moins bonne santé qu’elle n’y paraît. La hausse des exportations reflète surtout la mise en place par les gouvernements locaux de mesures de soutien aux exportateurs. Quant à la hausse du PIB, elle s’explique essentiellement par l’effet de base suite à la levée des mesures de confinement. En Europe, nous avons connu cela au début de l’année 2022. Le problème, c’est que la consommation – un des moteurs de l’économie chinoise – reste à la traîne. La faiblesse de l’inflation (0,7% sur un an en mars) et la baisse du taux d’utilisation des capacités dans l’industrie manufacturière (74,3% au premier trimestre) le prouvent. C’est un véritable enjeu pour nous, Européens, qui comptons sur la relance chinoise pour éviter la récession. En supposant que les subventions aux exportateurs continuent (ce qui est incertain en raison des contraintes budgétaires des gouvernements locaux), ce ne sera pas suffisant pour aider l’économie européenne. En effet, ce n’est pas la hausse du PIB chinois et des exportations qui tirent la croissance mondiale. C’est la hausse des importations ! Pour l’instant, le compte n’y est pas. Les importations chinoises étaient en contraction en mars.
- Il y a du bon et du mauvais en bourse. Au niveau des valeurs adossées à la thématique de la transition écologique, on notera la grosse levée de fonds effectuée par Forsee Power hier (batteries pour la mobilité). C’est une belle pépite. Au niveau des grosses valeurs, Alphabet est plutôt en bonne forme avec une croissance des revenus de 3% le précédent trimestre (en variation annuelle) et un quatrième trimestre 2022 meilleur que prévu. Du point de vue boursier, c’est toutefois toujours un peu compliqué pour les valeurs de croissance donc ça devrait encore l’être pour Alphabet malgré les bons récents chiffres. De ce côté-ci de l’Atlantique, Kering a annoncé des résultats qui ont déçu beaucoup d’analystes. Certains préfèrent rester à l’écart du titre. C’est exagéré selon nous. Mais il y a effectivement quelques problèmes internes. La marque Gucci, qui représente environ 50% du chiffre d’affaires et 66% du résultat opérationnel, connaît un ralentissement inquiétant. En revanche, les autres marques sont bien positionnées. Yves Saint-Laurent a fait mieux qu'anticipé mais la maison ne représente que 18% du résultat opérationnel. Même commentaire pour la marque milanaise Bottega Veneta qui semble enfin sortir de la période compliquée allant de 2015 à 2020. Mais elle ne représente qu’environ 6,5% du résultat opérationnel. A long terme, Kering reste une belle valeur dans l’univers du luxe mais il va falloir convaincre les investisseurs sur la capacité de Gucci à renouer avec une croissance plus soutenue. Enfin, Danone fait mieux que prévu mais on peut regretter que le groupe fasse plus de politique (avec un gros focus sur l’ESG) que de business.
La journée est dense sur le front des entreprises avec les résultats de Linde, Caterpillar, Valero Energy, Honeywell, AbbVie, Merck, Newmont, Rockwell Automation, Mastercard, Eli Lilly, Mondelez, VeriSign, L3Harris Technologies, Intel, First Solar, Gilead Sciences, Amazon et Amgen.
C’est encore une séance calme sur le front des statistiques avec essentiellement quelques chiffres américains. La première estimation du PIB américain au premier trimestre est publiée cet après-midi (consensus à 2% sur un an). A priori, toujours pas de récession. Mais si elle devait survenir, ce serait certainement plus en fin d’année. Les revendications hebdomadaires au chômage sont aussi prévues.
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