Hausse de 75 points de base

Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
La Réserve Fédérale a une seule priorité et c’est la lutte contre l’inflation qui continue de se répandre dans toute l’économie (comme l’indiquait le communiqué). Pour parvenir à endiguer les pressions inflationnistes, la seule solution est de recourir à des hausses de taux plus importantes (les dot plots suggèrent au moins deux hausses de taux de 75 points de base en novembre et de 50 points de base en décembre, par exemple). Cela devrait permettre de réduire la surchauffe de l’économie et d’aboutir à une croissance plus faible (anticipée à 1,2% au T4 2023) et à une progression du taux de chômage (4,4% fin 2023). C’est un scénario certainement un brin optimiste pour beaucoup d’investisseurs et d’analystes qui craignent que le durcissement des conditions monétaires ne fasse plonger l’économie américaine en récession. Sans surprise, la réaction du marché a été initialement mauvaise hier. Les actions ont chuté dans la publication du communiqué. Le dollar risque d’être à long terme le grand vainqueur (ce qui n’est pas sans poser de sérieux problèmes à beaucoup de pays qui voient leur monnaie s’effondrer).
- C’est comme l’inflation. Ce qui est temporaire ne l’est pas toujours. C’est notamment le cas des mesures prises par les gouvernements européens pour ‘accommoder’ les ménages et les entreprises face à la hausse des prix. Selon les calculs de l’institut de recherche bruxellois Bruegel, le montant total débloqué depuis septembre 2021 atteint 500 millions d’euros (c’est sans compter les récents paquets anti-inflation présentés par le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Danemark). Il est fort probable que d’ici l’année prochaine, le montant total atteigne le niveau stratosphérique d’un milliard d’euros. S'ajoutent à cela toutes les mesures prises pour aider tous les acteurs du secteur de l’énergie (via l’octroi de prêts, de facilités de liquidité et de nationalisations). Cela représente environ 450 milliards d’euros. C’est plus de la moitié du plan de relance européen post-Covid, le NextGenerationEU. Encore une fois, ce n’est certainement que le début. Nous n’allons pas sortir de sitôt du « quoi qu’il en coûte » étatique. A court terme, c’est certainement une bonne nouvelle.
- C’est la période de révision des prévisions économiques. Ça fait mal. Hier, Deutsche Bank (qu’il n’est pas nécessaire de présenter) a revu drastiquement à la baisse sa prévision de croissance pour la zone euro en 2023, de -0,3% à -2,2%. Si cela venait à se produire, ce serait une baisse massive du PIB. En fait, ce serait la troisième baisse la plus importante depuis 1945 (juste après 2009 et, évidemment, 2020). Cela montre aussi à quel point les attentes sur le plan macroéconomique sont basses pour la zone euro l’an prochain. Finalement, la zone euro ne peut que surprendre, à ce stade.
- Les perturbations au niveau du commerce international continuent. Du fait de la série de grèves qui touche les ports principaux du Royaume-Uni (Liverpool et Felixstowe), une grande partie du trafic de conteneurs est redirigé vers les autres ports d’Europe du Nord. Cela entraîne un fort engorgement à des niveaux qui n’ont pas été vus depuis la période Covid. Maersk (leader danois dans le secteur) a évoqué dans un communiqué que le temps d’attente atteint désormais trois jours pour la mise à quai des conteneurs à Bremerhaven (qui constitue l'avant-port de la ville de Brême, en Allemagne). Rotterdam, le principal port de conteneurs sur le Vieux-Continent, connaît des difficultés similaires. Cela va probablement provoquer une nouvelle hausse du prix du transport entre l’Europe et le reste du monde. Il n’y a pas d’amélioration durable à prévoir dans l’immédiat au niveau du fret maritime.
Les résultats d’entreprises continuent aujourd’hui avec Costco Wholesale (ventes au détail, entreprise cotée sur le Nasdaq), Accenture (conseil stratégique, notamment dans la transformation stratégique), FactSet Research Systems (données financières et logiciels) et Darden Restaurants (restauration).
Les réunions des banques centrales se poursuivent et se ressemblent. Sauf surprise de dernière minute, la Banque Nationale Suisse devrait emboîter le pas de la Banque Centrale Européenne et augmenter son taux directeur de 75 points de base aujourd’hui (annonce à 9h30). La Banque d’Angleterre (BoE) devrait aussi durcir sa politique monétaire de 75 points de base (annonce à 13h00). Certains analystes (minoritaires) anticipent une hausse moins prononcée (de l’ordre de 50 points de base) afin de tenir compte du ralentissement économique à l’œuvre (le chiffre des ventes au détail au mois d’août était apocalyptique). C’est une lecture erronée de la situation. La récession à venir est surtout liée à l’inflation galopante plus qu’au durcissement monétaire. La BoE a donc raison de continuer de pousser les taux à la hausse. Ces annonces ont déjà été intégrées dans les prix offerts par le marché (notamment en ce qui concerne le marché des devises). Il y a peu de chances que cela permette à la livre sterling de se relever, par exemple. La livre sterling pondérée par les échanges évolue actuellement à ses plus bas niveaux depuis septembre 2020, selon les données fournies par la Banque d’Angleterre.