Flash Krach

Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
Ce qu’on retiendra de la séance d’hier, c’est le flash krach violent sur le CAC 40 à 10h suite à l’effondrement de la composante production du secteur manufacturier en zone euro. Les investisseurs sont fébriles, ils s’attendent au pire (récession ou stagflation, en fonction des cas) et toutes les annonces qui tombent semblent confirmer leurs pires craintes. Les chaînes d’approvisionnement sont en piteux état. La hausse du prix des produits alimentaires devient un vrai problème pour plusieurs pays émergents et pour les 15-20% les plus pauvres dans les pays développés. S’ajoute à cela des interrogations persistantes à propos de la stratégie zéro Covid en Chine (un confinement généralisé de Pékin semble inévitable, à ce stade). Beaucoup d’investisseurs ont décidé ces dernières semaines d’acheter à la baisse (‘buy the dip’). Mais ce n’était pas toujours la stratégie la plus censée. A ce stade, il reste peu d’options, l’une d’elle est tout simplement de shorter le marché. A court terme, nous ne voyons que des risques s’accumuler. Il faut aussi craindre que les tensions géopolitiques (en Ukraine) vont s’accroître à l’approche du 9 mai -jour de la victoire de l’URSS sur l’Allemagne nazie.
- La tension reste palpable sur le marché actions. Lors de la séance de vendredi dernier, le titre Amazon a chuté de 14 % (c’est massif), renouant au passage avec des niveaux qui n’ont pas été connus depuis juin 2020. Les pertes occasionnées au niveau de la branche e-commerce suggèrent que même les grands acteurs technologiques sont pénalisés par la remontée de l’inflation. Il est évident que si les difficultés d’Amazon perdurent, cela va avoir un impact durable sur la bourse américaine (c’est la troisième action la plus importante au niveau du S&P 500). Nous sommes particulièrement vigilants aux résultats des acteurs du secteur des semi-conducteurs dans les jours à venir qui pourraient annoncer de nouvelles difficultés au niveau des chaînes d’approvisionnement (AMD par exemple demain).
- Il y avait quelques statistiques hier. En Allemagne, les ventes au détail au mois de mars ont affiché une progression de 3,1% sur un an en valeur. Attention, si on raisonne en volume, le résultat est très différent : les ventes au détail chutent de 2,7% sur la même période. L’indice PMI S&P manufacturier en zone euro a constitué un électrochoc pour le marché lors de sa publication. En avril, il ressort à un point bas de 15 mois. Ce qui est certainement pire, c’est la baisse de la composante production à un plus bas depuis 22 mois. Cela a poussé les indices européens brutalement à la baisse (chute soudaine de -3,45 % du CAC 40 hier en milieu de matinée, par exemple). C’est aussi le signe d’une fébrilité croissante des investisseurs quant à la dynamique économique. Dans les salles de marché, tout le monde n’a qu’un mot à la bouche : récession. Les plus optimistes parlent de stagflation. Il n’y aura pas de sortie de crise heureuse.
- Pendant que les banques françaises pèsent le pour et le contre, les banques américaines se lancent dans une course effrénée pour s’imposer dans le domaine des crypto-monnaies. Goldman Sachs a confirmé avoir accordé sa toute première facilité de crédit adossée à des Bitcoins. La banque américaine a déjà négocié il y a quelques semaines de cela ses premières options liées au Bitcoin. D’autres acteurs ont annoncé des mesures similaires : Jefferies étend ses services bancaires aux clients de l’écosystème crypto et Cowen Inc (banque cotée au Nasdaq) a lancé une unité spécialisée dans les actifs numériques, par exemple. Il faut également mentionner que le cadre réglementaire aux Etats-Unis est plus favorable à l’innovation dans ce domaine qu’en France (ou pire, au niveau de l’Union Européenne).
La saison des résultats continue avec Thomson Reuters, BNP Paribas, Deutsche Post, BP, Universal Music Group, Pfizer, AMD (semi-conducteurs), S&P Global, Airbnb, Ester Lauder, Starbucks et Marathon Petroleum.
L’agenda économique est peu chargé aujourd’hui, avec seulement les chiffres du chômage en Allemagne (repli du nombre de demandeurs d’emplois attendus de 15 000 en avril) et le rapport JOLTS aux Etats-Unis sur les nouvelles offres d’emploi en mars (toujours proche d’un plus haut, selon le consensus). La présidente de la Banque Centrale Européenne, Christine Lagarde, répondra à un Q&A avec des lycéens à Francfort. Aucun impact, évidemment.