Faut-il fuir ?

Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
La fébrilité sur les marchés financiers va rester présente au moins jusqu’à la prochaine réunion de la Réserve Fédérale américaine (les22 et 23 mars). Tous les scénarios, parfois les plus farfelus, circulent. Des analystes de banques prévoient que la Réserve Fédérale va même aller jusqu’à baisser les taux (oui ! vous avez bien lu). C’est un peu tiré par les cheveux. L’enjeu est plutôt de savoir si la hausse des taux sera de 25 ou de 50 points de base. Maintenant que les derniers chiffres de l’inflation sont connus, l’ampleur de la hausse des taux va surtout dépendre des conditions financières et des éventuels facteurs de stress sur le marché. Il est évident qu’au moment où nous écrivons, les facteurs de stress sont nombreux. Mais rien ne permet de dire que cela va s’amplifier d’ici à la semaine prochaine. La réunion de la Banque Centrale Européenne ne devrait pas être influencée par la faillite de SVB, de notre point de vue. Christine Lagarde va sûrement rappeler, si elle est interrogée sur le sujet, que c’est une affaire américaine (ce qui est vrai et est en partie la conséquence d’une dérégulation des activités bancaires sous Trump qui n’a pas eu lieu en Europe). La baisse boursière des derniers jours n’est pas inquiétante outre-mesure. Il faut évidemment éviter d’être trop exposé aux petites valeurs mais c’était déjà le cas avant SVB. Le plus simple est toujours d’être sur les actifs les plus liquides, les ETFs par exemple. Il n’y a pas de secret.
L’inflation aux Etats-Unis était au centre de l’attention hier. Comme prévu, l’indice des prix à la consommation a diminué en février, passant de 6,4% à 6,0% - soit un point bas depuis septembre 2021. Par rapport au pic de 22, l’inflation est en chute de 3,1 points. L’inflation sous-jacente (qui permet de mieux mesurer à quel point la hausse des prix est durable) reste à un niveau élevé, à 5,5% sur un an pour la même période. C’est un repli faible par rapport au mois de janvier (5,6%). Dans le détail, les chiffres communiqués ne sont pas particulièrement rassurants. Le secteur des services continuent de connaître une pression à la hausse sur les prix et dans les segments où la désinflation prend place, on observe un ralentissement de la baisse. Tout cela laisse la porte ouverte à une poursuite du processus de durcissement monétaire aux Etats-Unis, selon nous.
La panique boursière (sur certains segments de marché) est certainement exagérée. Le coût pour se protéger contre un défaut de paiement des Etats-Unis dans un an (CDS, credit default swap) a atteint son plus haut niveau depuis 2011, lorsque la note souveraine des Etats-Unis a été abaissée. Ce bond s’explique à la fois par un phénomène de panique irrationnelle (réaction brutale des investisseurs à la faillite de SVB) mais aussi par le fait que le gouvernement américain a de manière implicite garanti tous les dépôts, peu importe le montant, dans toutes les banques américaines. Du point de vue réglementaire, c’est certainement un précédent important (qui va accroître l’aléa moral dans le secteur). Pour l’instant, il n’y a pas de contagion au niveau du marché des CDS. Le coût pour se protéger contre un défaut de paiement du Royaume-Uni (qui est le deuxième pays le plus concerné par SVB) était en baisse hier à 14 points de base. Pour donner un ordre de grandeur, il était à 26 points de base en septembre 2022. C’est un autre élément qui va dans le sens de l’absence d’une contagion globale de l’affaire SVB. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas des poches de fragilité (en particulier dans le venture capital). Mais le risque de crise financière similaire à ce que nous avons vu par le passé est improbable, à ce stade.
On notera toutefois qu’il vaut mieux rester, au regard de la psychologie du marché, à l’écart des petites valeurs. Elles ont été encore une fois plus pénalisées que les grandes valeurs en ce début de semaine par la résurgence de l’aversion au risque. Plus fondamentalement, les petites valeurs sont aussi pénalisées par leur incapacité à retrouver du pricing power (à part certaines qui sont très spécialisées sur le haut de gamme et qui sont internationalisées). C’est la clé pour survivre à long terme dans des marchés marqués par une forte inflation. On restera également à l’écart des valeurs dilutives (qui ont fait appel à des financements de type obligations convertibles). Il s’agit, entre autres, de Neovacs, Europlama, Noxxon, Boosheat, neolife, Pixium, Adomos etc. Dans beaucoup de cas, il s’agit de valeurs de la biotech ou du domaine de la transition énergétique. Ce sont souvent des pièges pour les petits actionnaires. D’ailleurs, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a mis en garde contre ces investissements en fin d’année (à raison).
- La saison des résultats continue avec Constellation Software (société de logiciels fondée au Canada à la fin des années 1990), BMW (pas besoin de présenter l’entreprise), E.ON (énergie) , Ping An Insurance (assurance), Prudential (assurance), Inditex (secteur du textile) , Adobe (informatique) et Lennar (construction aux Etats-Unis).
- Nouveau chiffre de l’inflation aux Etats-Unis cet après-midi avec la première estimation des prix à la production en février. Le consensus des analystes prévoit une diminution des pressions inflationnistes (hausse de 0,3% sur un mois contre 0,7% en janvier). Si c’est le cas, ce sera plutôt une bonne nouvelle. Cela reflète en particulier la baisse de l’énergie et des métaux industriels (les anticipations de hausse en lien avec la réouverture chinoise ont pris un coup dans l’aile ces dernières semaines).
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