Départ en week-end
Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
La saison des résultats n’est pas si mauvaise que cela. Il y a des bonnes surprises (on devrait encore en avoir une aujourd’hui avec la société canadienne Constellation Software). Cette année, la saison des résultats va du 30 janvier au 3 mars et ce sera le 23 février prochain qu’il y aura le plus d’entreprises qui vont communiquer (plus de 600 entreprises). C’est donc chargé. On observe clairement que l’appétit au risque est bien présent sur le marché. Il suffit de regarder l’appréciation de valeurs adossées à des mèmes (oui ! vous avez bien lu) pour comprendre qu’il y a une part d’irrationnalité. C’est un peu comme si toutes les opportunités étaient bonnes pour faire ses emplettes. Les mécanismes traditionnels du marché sont aussi un peu rouillés. Par exemple, on peut observer des valeurs bancaires qui chutent alors que les taux augmentent. C’est un marché où on manque un peu de repères mais qui restent fondamentalement haussier, selon nous.
- Au niveau des matières premières, les prix du gaz continuent de chuter. Le benchmark européen évolue autour de la zone des 53 euros – soit son plus bas niveau depuis septembre 2021. Cela correspond toutefois à un prix supérieur de 25 euros à sa moyenne sur cinq ans. Comme l’hiver est beaucoup moins rude que prévu (merci au changement climatique, malheureusement), les stocks restent à des niveaux élevés ce qui réduit la tension sur les prix. Au niveau de l’ensemble de l’Union Européenne, le taux de remplissage des stocks est de 69%. Début mars, nous devrions être autour de 60% selon les estimations. Ce serait un niveau inédit. Lors de la récession qui a touché l’Europe en 2020 (liée au confinement), le taux de remplissage en mars était à 54% pour donner un ordre de comparaison. Nous pensons toujours qu’il y aura peut-être des points de tension concernant les prix du gaz l’hiver prochain. Mais clairement ça n’aura rien à voir avec ce qui était prévu il y a encore quelques mois de cela. On a échappé au pire.
- On se demande bien pourquoi nous sommes grincheux. La France a évité une récession au T4 2022. Nous avons fait mieux que l’Allemagne (petit cocorico) avec une croissance du PIB de 2,6% contre 1,9% outre-Rhin l’an dernier. La dernière prévision du FMI table sur une croissance de 0,7% cette année – c’est cohérent avec mes attentes. Surtout, c’est un niveau supérieur aux anticipations pour l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie. L’inflation était à 6% en janvier. C’est l’un des niveaux les plus bas en Europe. Seul Malte fait mieux que nous. Enfin, le taux de chômage a continué de diminuer au dernier trimestre, atteignant son plus bas niveau depuis le T3 2011. Il y a des petits signaux faibles de ralentissement sur l’emploi privé salarié fin 2022 (mais quand même +888 000 postes nets depuis fin 2019 !). Rien de très inquiétant pour 2023 on sera certainement sur un arbitrage : moins de hausse d’emploi mais plus de salaires. Bref, nous avons tout pour être content…et pourtant ! En fait, nous savons pourquoi nous sommes grincheux ! Peut-être parce que le revenu intérieur brut réel a lourdement chuté en 2022, de 3,3%. C’est une notion inventée par l’INSEE qui permet de suivre l’évolution du pouvoir d’achat de la nation. Pour faire simple, l’INSEE nous dit que cela revient à ajouter à l’évolution du PIB l’effet des variations des termes de l’échange – le rapport entre l’indice du prix des exportations et de celui des importations. C’est une notion plutôt très utile en période d’inflation élevée et qui certainement donne une image un peu plus fidèle de la réalité économique du pays. Il s’agit, malheureusement, de la plus grosse récession annuelle depuis le début de la série. C’est une chute supérieure de 50% à celle qui avait eu lieu du fait du choc pétrolier du début des années 1970. Celui avait mis un coup d’arrêt brutal à la dynamique de croissance. On est passé d’une croissance moyenne de 5,3% par an entre 1949 et 1974 à seulement 2,2% en moyenne de 1974 à 2007 (avant la crise financière mondiale). Au-delà de la réforme des retraites, qui est effectivement clivante, c’est certainement au moins en partie parce que le revenu intérieur brut réel s’est effondré l’an dernier que le climat social est aussi anxiogène en ce début d’année. Il y a une insatisfaction générale qui est difficile canaliser. Avec une croissance qui sera invariablement plus faible cette année (et donc un gâteau à partager qui va se réduire sensiblement par rapport à 2022), bon courage pour mener à bien des réformes dans ce contexte-là.
La journée est moins dense au niveau des résultats d’entreprises avec seulement Enbridge (entreprise canadienne qui est spécialisée dans le transport de pétrole et les oléoducs) et Constellation Software (qui est une entreprise de logiciels). C’est une valeur à laquelle il faut certainement s’intéresser du point de vue boursier. Le cours de l’entreprise est dans le vert peu importe les échéances qu’on scrute (un mois, trois mois, un an, trois ans, dix ans etc.). Sur dix ans, le titre a connu une progression de…tenez-vous bien 1863%. Vous avez bien lu ! C’est un titre qui est coté sur le marché canadien (donc il faut prendre en compte le taux de change) mais qui est plutôt liquide (en moyenne 28 998 titres sont échangés par jour, ce qui est tout à fait honorable).
Sur le front des statistiques, c’est une séance particulièrement calme qui nous attend. La première estimation de l’indice de confiance de l’Université du Michigan pour le mois de février est publiée à 16h. On surveillera surtout les anticipations d’inflation (mais ce n’est clairement pas un market mover). Pour ainsi dire, on peut déjà partir en week-end.
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