
Déboussolé

Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macro-économique
Les marchés boursiers jouent au yoyo. C’était attendu. Il est de plus en plus difficile d’avoir un peu de visibilité sur ce qui va se passer en bourse à court et à moyen terme. La baisse sur les matières premières agricoles est une surprise pour tous. Il s’agit en réalité plus de problèmes liés au transport et à la répartition qu’à un réel sujet de pénurie. Les flux de capitaux continuent de sortir des pays émergents pour se recycler aux Etats-Unis. Les flux de sortie sont massifs depuis quelques semaines pour l’Inde, par exemple. Plus personne ne souhaite être exposé aux émergents. C’est assez normal. Enfin, les analystes commencent le douloureux travail de réviser à la baisse les anticipations de résultats. Pour l’instant, cela reste modeste. Il faudra aller plus loin. C’est évidemment un point qui va limiter le potentiel de rebond à moyen terme des places boursières. Sur le marché des changes, la surperformance du real brésilien face au dollar américain était LE sujet du début d’année. Maintenant, c’est l’effondrement de l’euro qui est le point d’attention central. La paire EUR/UD est en bonne position pour atteindre la parité d’ici la fin de l’année. Il ne reste plus que deux niveaux de support à franchir pour y parvenir. L’euro faible va rapidement devenir un casse-tête pour la Banque Centrale Européenne qui ne peut pas tolérer que l’inflation importée augmente substantiellement du fait de la baisse du taux de change. L’été ne sera pas calme. Nous le savions déjà. Mais c’est important de le rappeler.
- Les taux de fret maritimes continuent de chuter. C’est le signe que le ralentissement économique est certainement plus profond que prévu. C’est inhabituel. D’habitude, l’été est la période pendant laquelle les taux augmentent le plus. Afin de s’adapter à la baisse de la demande et des coûts, les compagnies maritimes ajoutent des blank sailings. Cela signifie qu’elles privilégient plus certaines routes commerciales que d’autres. Certaines compagnies ont même des stratégies très agressives en la matière. L’Alliance 2M (Maersk et MSC) ont réduit jusqu’à 71% leurs services vers la mi-mai selon les dernières données disponibles. Beaucoup de compagnies font le choix de desservir les grandes routes commerciales Est-Ouest au détriment des routes secondaires. La seule bonne nouvelle, c’est que la fiabilité des porte-conteneurs s’est un peu améliorée depuis quelques semaines pour les départs depuis l’Asie.
- Les acteurs du monde des cryptomonnaies sont en crise. Le fonds d’investissement Three Arrows Capital and the courtier Voyager Digital se sont placés sous la loi contre les faillites aux Etats-Unis (respectivement chapitre 15 et chapitre 11). La liste ne devrait faire que s’allonger à court terme.
- Il est difficile d’avoir de la visibilité sur le marché pétrolier. La crainte d’une récession aux Etats-Unis et des facteurs techniques (marché momentum) ont poussé le WTI et le Brent à la baisse ces dernières semaines. Le WTI a baissé de 15% en variation mensuelle, par exemple. Beaucoup de banques d’investissement de premier plan prévoient une baisse significative du cours du baril d’ici la fin de l’année : cible à 65 dollars pour Citigroup et JPMorgan a mis en garde contre des prévisions de cours exagérées. Rien n’est certain. La baisse pourrait être de courte durée. Certains signaux indiquent qu’une reprise de la hausse n’est pas exclue au cours de l’été (l’Arabie Saoudite a augmenté son prix de vente pour le mois d’août à 9,3 dollars le baril et la Russie annonce de nouvelles réductions de ses approvisionnement en pétrole). Ce qui est certain à ce stade c’est que la volatilité va rester élevée sur cette classe d’actifs.
Aucun résultat d’entreprises dans les semaines à venir. La saison des résultats pour le deuxième trimestre commence seulement la semaine prochaine avec PepsiCo, Fastenal, Delta Air Lines, JPMorgan Chase, Morgan Stanley, Conagra Brands (agroalimentaire), PNC Financial Services (entreprise bancaire situé dans la région des Grands Lacs), UnitedHealth (assurance et soins de santé à but lucratif), Well Fargo, Charles Schwab, US Bancorp, BlackRock, State Street et Citigroup.
Le marché de l’emploi aux Etats-Unis est sous les projecteurs aujourd’hui. Les revendications hebdomadaires au chômage sont attendues à 230k (proches de leur niveau de la semaine précédente). Les créations d’emplois non agricoles publiées par ADP sont prévues en forte hausse en juin, à 200k contre 128k en mai. Il faut se souvenir que les statistiques du marché de l’emploi sont des indicateurs en retard par rapport au cycle économique. On peut tout à fait avoir une situation où l’économie est en récession et que le marché du travail continue d’être sur une dynamique positive pendant encore six mois.