C'est la période des soldes

Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
Les investisseurs particuliers et institutionnels investissent de nouveau en bourse. Les flux de capitaux sont d’abord orientés vers les large caps – ces valeurs cotés ayant une capitalisation boursière en général supérieure à 10 milliards d’euros. Elles ont beaucoup souffert en bourse depuis janvier. Elles ont l’avantage d’être fortement décotées et d’être très liquides (ce qui est important en cas de vent contraire). C’est par exemple Hermès. Mais d’ici quelques semaines, ces flux devraient aussi soutenir les mid et les small caps – ces valeurs boursières dont la capitalisation est plus faible et qui sont parfois moins liquides. Le fort retracement qu’on observe sur les small caps françaises va constituer d’ici peu un point d’entrée intéressant. La période des soldes a commencé. Cela ne fait aucun doute. Des belles valeurs devraient en profiter pour remonter la pente comme :
Reworld Media (petite valorisation à hauteur de 380 millions d’euros) qui a récemment annoncé le rachat des douze marques digitales de TF1. Le titre évolue autour de 7 euros. Il est en baisse de 8 % depuis janvier. Il a une forte probabilité de monter vers les 10 euros si on regarde de près le business plan de l’entreprise et sa capacité à le mettre en œuvre.
Groupe Okwind, qui a fait son introduction récemment sur Euronext Growth. La start-up française a une stratégie centrée sur l’autoconsommation d’énergie renouvelable. Nul besoin de dire que c’est un secteur certainement très porteur dans les années à venir. Pour ne rien gâcher, elle a aussi de solides fondamentaux, avec une marge d’Ebitda de 7,9 % en 2021. C’est tout à fait honorable.
Ce ne sont que deux exemples parmi une myriade de possibilités.
- Il n’y avait pas de statistiques majeures vendredi. Nous avons tendance à regarder de loin les indicateurs PMI qui ne permettent plus, depuis le début de la Covid, de connaître avec précision la direction de l’économie. Aucun commentaire, par conséquent.
- Une information importante en matière d’énergie a été dévoilée lors du voyage de Joe Biden en Arabie Saoudite la semaine dernière : le prince Mohammed Ben Salman a annoncé que son pays pensait atteindre son pic de production de pétrole en 2027 à 13 millions de barils par jour. C’est une annonce majeure étant donné que l’Arabie Saoudite est le deuxième pays producteur de pétrole au monde derrière les Etats-Unis et celui qui dispose des plus grandes réserves. S’il ne parvient plus à augmenter sa production d’ici cinq ans, on doute que l’offre pétrolière mondiale parvienne à suivre la demande, toujours croissante, dans les années à venir. Il s’agit d’un changement de posture pour l’Arabie Saoudite qui avait jusqu’à présent un discours très confiant dans ses capacités (allant jusqu’à annoncer pouvoir atteindre une production de 15 Mb/j et la maintenir sur plusieurs décennies, ce qui était assez peu crédible…). Au-delà de cette annonce, on peut se demander si l’Arabie Saoudite, qui produit aujourd’hui 11 Mb/j, parviendra même à atteindre 13 Mb/j en 2027 et à maintenir cette production.
- Chez Saxo Banque, nous sommes toujours sceptiques à l’égard du secteur bancaire. Beaucoup d’analystes ont mis en avant que la hausse des taux constitue une opportunité d’achat au niveau des bancaires. Ce n’est pas évident. Crédit Agricole affiche une baisse de 30 % depuis le début de l’année. Les valeurs américaines ne font guère mieux. Goldman Sachs est en repli de 16 % sur la même période. Morgan Stanley a annoncé un effondrement de 55 % des revenus de sa division banque d’investissement au deuxième trimestre (pourtant, il s’agit d’une division traditionnellement très rentable). Le business model des banques est mis à mal. Les taux négatifs n’ont pas aidé. Mais ce n’est pas le seul problème. Si j’étais un peu taquin, je dirais que le trading, le front running des banques centrales (réduction de la liquidité qui est mise à disposition, ce qui provoque notamment une baisse des opérations d’introduction en bourse) et les prêts à l’industrie fossile (qu’on le veuille ou pas, la transition énergétique est amorcée) ne constituent pas un business model très durable. C’est certainement plus un problème pour les grandes banques américaines que pour leurs consœurs européennes. Mais ces dernières sont pénalisées par un environnement trop concurrentiel et encore très fractionné (par exemple en Italie), ce qui complique la tâche.
L’indice IFO du climat des affaires en Allemagne est la principale statistique du jour. L’indicateur principal est attendu en repli à 90,5 en juillet contre 92,3. Les perspectives à six mois devraient continuer de s’effondrer à 82,0 contre 85,2 il y a un mois. Les craintes concernant le risque de rationnement de l’énergie cet hiver est le sujet numéro un en Allemagne en ce moment. La loi allemande prévoit qu’en cas de pénurie d’énergie, celle-ci ne peut pas être répercutée sur les ménages. Ce sont les industriels qui doivent en subir le coût. Il suffit d’un hiver rude pour que les stocks bas conduisent à un rationnement électrique, par exemple. On pourrait tout à fait imaginer que l’Allemagne demande aux usines de tourner seulement 6 jours sur 7 (au lieu de 7 jours sur 7) pour réduire la consommation énergétique. C’est un scénario noir. Il n’est toutefois pas de l’ordre du fantasme. Ce serait la récession assurée. Les industriels l’ont bien compris. Ils font du lobbying auprès du gouvernement et du Bundestag afin d’être épargnés en cas de rationnement de l’électricité.
La Réserve Fédérale américaine (Fed) se réunit mardi et mercredi. Une nouvelle hausse du taux directeur de 75 points de base (au moins) est prévue. En tant normal, nous aurions tendance à suivre de près la communication des banquiers centraux afin d’avoir des indices sur l’évolution de la politique monétaire à court terme. Mais, des deux côtés de l’Atlantique, ils s’écartent du forward guidance (la stratégie de communication afin de gérer les anticipations de marché mise en œuvre depuis 2008). Tout est donc possible. On ne peut pas exclure que la Fed décide de taper du point sur la table et opte pour une hausse de 100 points de base (comme l’anticipe une minorité d’acteurs de marché). Cela aurait pour conséquence d’avoir un soutien supplémentaire au dollar américain. Le dollar index est en progression de 11,50% depuis le début de l’année. Ce n’est qu’un début, certainement.