
Ce qui va (vraiment) compter

Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macro-économique
C’est enfin en positif ! Sur un an, l’indice CAC 40 affiche désormais une timide hausse de 1,20%. C’est peu. Mais c’est encourageant. Il est toutefois encore trop tôt pour savoir si les remous sur les marchés financiers vont s’arrêter. Nous en doutons fortement. Les facteurs de risque sont trop nombreux pour les ignorer et se pose sérieusement la question de la capacité des banques centrales, dans certains pays, à endiguer durablement l’inflation (concrètement, faudra-t-il passer par une récession ?). Cependant, avec la baisse des valorisations, au cas par cas, certaines sociétés avec de solides fondamentaux commencent à devenir intéressantes. Nous restons convaincus qu’il n’y a que deux stratégies qui font sens à l’heure actuelle : shorter le marché et entrer à l’achat avec parcimonie (achats opportunistes de belles sociétés décotées).
- C’était le mauvais chiffre de la séance d’hier. L’indice des prix à la consommation au Royaume-Uni a bondi à 9% en avril sur un an – le rythme le plus rapide depuis 1982. Une grande partie de la hausse s’explique par l’ajustement de la facture énergétique (augmentation des prix début avril de l’ordre de 53% !). C’est douloureux. La situation va empirer à court terme. La Banque d’Angleterre anticipe déjà une inflation à deux chiffres en variation annuelle.
- La baisse des valorisations favorise les processus de M&A : l’armateur marseillais CMA CGM va entrer au capital du groupe Air France-KLM (à hauteur de 9%) pour se développer davantage dans le fret aérien, une unité développée récemment par CMA CGM ; Siemens Energy envisage de faire une offre pour acheter le tiers du fabricant d’éoliennes Siemens Gamesa (qui est en difficulté) ; et PIF va prendre une participation de 5% dans Nintendo. Ce n’est certainement que le début. L’année 2022 pourrait être mauvaise pour la bourse mais particulièrement positive pour le M&A. Nous nous attendons, en particulier, à beaucoup de mouvements sur le segment des mid-caps (qui sont fortement décotées, souvent à tort).
- Dans le secteur du luxe, il faut faire le tri. Nous restons toujours prudents sur le dossier Kering (en dépit de la forte baisse du PER). Nous privilégions plutôt dans une stratégie moyen-terme une valeur comme Hermès qui est désormais la cinquième capitalisation boursière du CAC 40 (alors qu’elle oscillait entre la deuxième et la troisième place, précédemment). Le titre fait partie des plus fortes baisses de l’indice depuis le début de l’année (-29%). Mais son potentiel de rebond est intacte. Les fondamentaux sont bons : trésorerie nette de 7 milliards d’euros, fonds propos à hauteur de 9 milliards d’euros et surtout un vrai pricing power qui peut être utile en ce moment (le groupe a déjà augmenté les prix de 3,5% en janvier et une autre hausse est en ligne de mire). Le PER est également plus raisonnable : 35 contre environ 60 lorsque le cours de l’action était à un point haut. Attention toutefois à court terme les secousses sur les marchés financiers ne sont certainement pas terminées. Il convient d’être très vigilant.
Les résultats d’entreprises continuent avec Xiaomi, Generali, National Grid (gaz et électricité au Royaume-Uni), Applied Materials (semi-conducteurs), Palo Alto Networks (télécommunications), Ross Stores (hard-discount) et DiDi Global (plateforme technologique de mobilité en Chine).
Les indicateurs économiques sont nombreux aujourd’hui : inscriptions hebdomadaires au chômage aux Etats-Unis (200k contre 203k précédemment), indice manufacturier de la Fed de Philadelphie pour le mois de mai (chute à 16,0 contre 17,6 en avril) et ventes de logements existants en avril outre-Atlantique (léger repli à 5,65M). Le compte-rendu de la dernière réunion de politique monétaire de la Banque Centrale Européenne est publié à 13h30. Il devrait confirmer que l’institut s’oriente vers une hausse des taux imminente, probablement dès le mois de juillet prochain. Avant-hier, Klaas Knot, membre du conseil des gouverneurs, a soutenu l’idée d’une hausse de 25 points de base.