Ca pique

Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
Les tensions observées sur le marché du crédit en Europe (au Royaume-Uni mais aussi en Europe périphérique) ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Le marché obligataire reste une zone à risque pour les investisseurs. En revanche, dans une stratégie de stock-picking, il y a toujours de belles sociétés sur lesquelles il faut garder un œil. Par exemple : Moulinvest (petite capitalisation de 113 millions d’euros qui est positionné dans l’éco-construction) ou Groupe Chargeur (belle société industrielle bien plus connue qui affiche une capitalisation de plus de 270 millions d’euros). Dans les deux cas, les sociétés ont des fondamentaux solides, sont sur des segments porteurs et elles sont suffisamment liquides (on évite en règle générale les très petites valeurs du fait du risque de dilution. Il y a déjà suffisamment de penny stocks sur Euronext !). Du point de vue macroéconomique, la séance ne sera pas réjouissante. Il est probable que le rebond de l’inflation en zone euro à 9,7% sur un an soit un véritable coup de massue pour le marché. Ce n’est même pas encore l’hiver et l’inflation se rapproche dangereusement de la zone psychologique des 10%. En considérant que le pic d’inflation en zone euro ne sera certainement atteint que vers le premier trimestre 2023, cela signifie que l’inflation en zone euro a de fortes chances de dépasser 10% dans les mois à venir. Courage !
- Il n’y avait pas beaucoup de statistiques hier. Gediminas Simkus, le président du Conseil d’administration de la Banque de Lituanie, a donné une interview à Bloomberg hier qui résume assez bien la position de la Banque Centrale Européenne (BCE) avant sa réunion de fin octobre. Une hausse des taux d’au moins 50 points de base est nécessaire. Mais il est plutôt favorable à une hausse plus importante pour envoyer un message au marché (75 points de base). En revanche, il exclut d’enclencher une hausse de 100 points de base. Il a également plaidé, comme d’autres membres du Conseil des gouverneurs de la BCE pour démarrer dès que possible les discussions portant sur le quantitative tightening (la BCE a conscience que la fenêtre d’opportunité se réduit avec la récession et la dégradation rapide du marché du crédit).
- Les tourments sur le marché des changes continuent. Le yuan chinois s’effondre face au dollar américain (comme d’autres devises d’ailleurs). Il est évident que les autorités chinoises n’accueillent pas cette perspective d’un œil favorable à quelques jours de l’ouverture du 20ème Congrès du Parti communiste. La priorité est la stabilité en ce moment. Cela vaut pour le taux de change. C’est d’ailleurs pour cela que Pékin s’est abstenu d’assouplir sa politique monétaire au cours des derniers mois en dépit du ralentissement évident de la croissance. Dans la nuit de mardi à mercredi, la banque centrale chinoise est intervenue verbalement en indiquant clairement que la priorité est la stabilité du taux de change et en invitant les banques étatiques à être plus actives pour soutenir le CNY. A court-terme, nous nous attendons chez Saxo Banque à ce que la Chine soit de plus en plus interventionniste pour stabiliser sa monnaie. A plus long terme (après le 20ème Congrès), il paraît évident qu’une dépréciation du CNY est inévitable afin de relancer l’économie par les exportations (la bonne vieille recette des dernières années). Mais ce sera au rythme souhaité par Pékin et non imposé par les forces du marché. On peut également tirer d’intéressants enseignements des déboires récents de la livre sterling. Même une devise de réserve n’est pas à l’abri de violentes attaques spéculatives lorsque l’économie du pays est fortement dépendante de financements extérieurs. La livre sterling représente environ 5% des réserves de change au niveau mondial. C’est bien plus que ce que présente le poids de l’économie britannique (3%). Le déficit du compte courant est le principal problème du Royaume-Uni. Il est autour de 7-8% du PIB. C’est massif. Cela signifie que le pays a besoin de la confiance des investisseurs pour conserver son train de vie. Mais le programme budgétaire présenté par le nouveau gouvernement a eu pour effet un regain de défiance sans précédent. Tout est désormais possible (même que le Royaume-Uni soit contraint de vendre des biens aux investisseurs en GBP pour se financer – scénario extrême).
- Les discussions sur le budget 2023 réservent quelques surprises. Sachez que l’Etat s’attend à ce que vous payiez 684 315 071 euros d’amendes de stationnement et de PV pour excès de vitesse l’an prochain. A Bercy, on aime ce qui est précis. Sur une note moins réjouissante, le rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale montre que la revalorisation des retraites de base ne sera pas aussi importante qu'annoncée par le gouvernement. Elle sera de 3,1% en 2022 et non de 5,1%. Ça fait une sacré différence, on en conviendra.
Les résultats d’entreprises continuent aujourd’hui avec Nitori (chaîne de magasins de mobilier, d’ameublement et de décoration intérieure) et Carnival (croisiériste). Les résultats de Carnival devaient initialement être annoncés la semaine dernière mais ils ont dû être reportés. Après une période difficile pendant la Covid, le groupe fait maintenant face aux aléas climatiques. Plusieurs croisières ont été suspendues dans les Caraïbes à cause de l’ouragan Ian.
L’inflation en zone euro en septembre est publiée aujourd’hui. C’est un nouveau chiffre douloureux qui risque de tomber (consensus à 9,7% sur un an contre 9,1% en août). Cela devient de plus en plus difficilement tenable. Et nous ne sommes même pas encore en hiver !