Bon cru

Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
La bourse reste bien orientée. La semaine passée, plusieurs valeurs de la Bourse de Paris ont atteint un point haut historique (LVMH, Air Liquide, Hermès, Thalès, L’Oréal). D’autres sont en passe de franchir ce cap symbolique (Vinci, Sanofi, Pernod Ricard etc…). L’économie se porte mieux que prévu (les indicateurs PMI pour les services publiés vendredi dernier en zone euro le prouvent). En outre, la saison des résultats est loin d’être médiocre. Il est encore trop tôt pour faire un bilan définitif. Mais, à ce stade, ce sont environ 20% des entreprises du S&P500 qui ont publié et, malgré des bénéfices souvent en baisse, 77% des publications battent le consensus. C’est très élevé. Les analystes avaient des attentes tellement basses ce trimestre (cela fait plusieurs mois qu’on ne cesse d’entendre que les entreprises vont subir de plein fouet les pressions inflationnistes !). Par conséquent, quand cela se passe mieux que prévu, le marché surréagit positivement. Il y a donc encore la place pour beaucoup de bonnes surprises dans les jours à venir (peut-être du côté de McDonald, de Pepsico ou de Microsoft aujourd’hui). Pour l’instant, il est évident que tous ceux qui s’attendaient à une forte baisse des bourses ont eu tort.
- Il n’y avait pas beaucoup de statistiques hier. En zone euro, le gouverneur de la Banque de Belgique, Wunsch, a adopté un ton particulièrement hawkish (en faveur d’un durcissement monétaire prononcé) lors de son intervention. Il a indiqué que la hausse des taux en zone euro va se poursuivre tant que la pression à la hausse sur les salaires ne ralentit pas. Surtout, il a clairement affirmé que le marché sous-estime le taux terminal en zone euro. Il ne faut pas exagérer la portée de ces commentaires. Comme l’a montré le dernier compte-rendu de la réunion de la Banque Centrale Européenne, les membres du Conseil des gouverneurs sont partagés sur l’ampleur de la hausse des taux à venir (50 ou 25 points de base). A court terme, il ne fait toutefois pas débat qu’une hausse de 50 points de base va survenir au mois de mai.
- Sur le marché des devises, l’EUR/USD continue d’évoluer autour de la zone des 1,10. Il y a quelques séances de cela, le différentiel de politique monétaire entre les deux bords de l’Atlantique était l’un des principaux facteurs d’évolution de la paire. Ce n’est plus le cas. Les investisseurs sont désormais prudents (baisse des volumes aussi sur le Forex). A garder à l’esprit : historiquement, le mois d’avril est un mauvais mois pour le dollar mais il y a un phénomène de rattrapage au mois de mai. Cela pourrait de nouveau se produire. Il y a, en revanche, assez peu d’espoir de rebond pour les couronnes norvégienne et suédoise. Ces deux monnaies affichent une forte baisse face à l’euro, avec la couronne norvégienne affichant la pire performance des devises du G10. En cause : une inflation persistante, des sujets locaux (bulle immobilière en particulier).
- Sur le marché des matières premières, le processus de nationalisme métallique se poursuit. Plus la demande pour les métaux devient cruciale pour notre avenir stratégique, moins les pays producteurs sont disposés à les vendre à d’autres pays. Par le passé, le Pérou, le Chili et le Zaïre ont nationalisé leurs mines de cuivre. La semaine dernière, le Chili a annoncé la nationalisation complète de son industrie du lithium (métal rare qui est essentiel pour les voitures électriques). Il s’agit du deuxième producteur mondial. S’ajoute à cela un accroissement des restrictions aux exportations (sans surprise). Selon un rapport de l’OCDE publié la semaine dernière, depuis 2012, les restrictions aux exportations de métaux précieux ont été multipliées par 4,6. La Chine est en tête avec un accroissement des restrictions de 20% sur la période (afin de sécuriser au maximum ses approvisionnements en matières premières critiques). Une offre plus concentrée du fait des restrictions aux exportations et de la nationalisation de pans entiers de l’industrie crée de la fragilité dans l’ensemble du système. On le voit actuellement avec l’étain. Une région semi-autonome de Birmanie a annoncé l’arrêt de toute activité minière à compter du 1er août. C’est 10% de la production mondiale qui est en danger (en particulier les acheteurs chinois). On voit mal comment nous pourrions échapper au super-cycle haussier des matières premières (même si nous commencions à investir massivement dès à présent).
Les résultats d’entreprises continuent avec UPS (bon baromètre du commerce international), Danaher (conglomérat américain positionné sur les innovations technologiques), PepsiCo, General Motors, Halliburton, Biogen (neurosciences), McDonald, 3M (groupe industriel, notamment dans la sécurité et la signalétique), PulteGroup (construction et commercialisation de maisons industrielles), GE, NextEra Energy (secteur de l’énergie), Chipotle Mexican Grill, Alphabet, Microsoft, Texas Instruments et Illumina (systèmes intégrés pour l'analyse de la variation génétique et la fonction biologique).
C’est une séance terne sur le plan des statistiques qui nous attend avec la confiance des consommateurs du Conference Board (consensus à 104,0 contre 104,2) et de nouveaux indicateurs de l’immobilier américain (permis de construire et ventes de logements neufs).