Or, argent et platine : Les métaux précieux sont-ils des valeurs refuges ?

Saxo Group
Les métaux précieux tels que l'or, l'argent et le platine ne génèrent peut-être pas de revenu, mais ils occupent néanmoins une place particulière dans les stratégies d'investissement. Les investisseurs continuent de se tourner vers eux pour une raison claire : ils se comportent différemment lorsque les marchés s'effondrent.
Depuis des décennies, ces actifs servent de couverture contre l'inflation, de rempart en période de tensions géopolitiques, et de pilier dans des portefeuilles diversifiés. Mais leurs rôles évoluent. Les banques centrales continuent de stocker de l'or, renforçant son rôle d'actif de réserve. Pendant ce temps, les pressions inflationnistes restent incertaines, et la demande d'argent et de platine se concentre davantage sur l'utilisation industrielle, notamment dans l'énergie solaire et les technologies.
Dans cet environnement, qualifier les métaux précieux de "valeur refuge" ne suffit pas. La meilleure question est : refuge contre quoi, et pendant combien de temps ?
Que sont les métaux précieux et comment sont-ils classés ?
Les métaux précieux sont des éléments rares et naturels ayant une valeur économique. Ce qui les rend "précieux", c'est une combinaison de rareté, de durabilité, de liquidité et de rôle historique en tant que réserve de valeur. Pour les investisseurs, ils offrent quelque chose de différent des actions ou des obligations : des actifs tangibles, finis, moins directement exposés aux cycles de crédit ou à la politique des banques centrales.
Le groupe principal inclut l'or, l'argent, le platine et le palladium. Ces quatre métaux précieux sont activement échangés, largement réglementés et acceptés sur les marchés mondiaux. Ils diffèrent des métaux de base comme le cuivre ou le nickel, qui sont plus abondants et généralement liés à la construction et à l'industrie lourde.
L'or est principalement défini par son rôle monétaire, avec une demande industrielle minimale. L'argent jongle entre usage d'investissement et industriel, fonctionnant comme réserve de valeur et élément clé dans l'électronique et les technologies. Le platine et le palladium servent principalement à des usages industriels, avec une demande étroitement liée aux systèmes de conversion catalytique et de contrôle des émissions dans l'industrie automobile. D'autres métaux, comme le rhodium ou l'iridium, appartiennent également à la catégorie des métaux précieux, mais leurs marchés sont plus petits, plus volatils et beaucoup moins liquides.
Les métaux précieux ont généralement une valeur par unité de poids bien supérieure à celle des métaux de base, ce qui les rend plus faciles à stocker et à transporter à grande échelle. En conséquence, l'intérêt des investisseurs se concentre généralement sur les quatre métaux principaux : l'or, l'argent, le platine, et le palladium, souvent détenus dans des portefeuilles pour des raisons stratégiques ou défensives.
L'or : La référence des valeurs refuges
Au fil des siècles, l'or a permis de préservé le patrimoine dans des proportions que peu d'autres actifs peuvent égaler, notamment pendant les périodes de risque systémique. Contrairement à la plupart des matières premières, il n'est ni consommé ni déprécié, il est stocké. Cet élément à lui seul le rend différent. Sa fonction principale n'est pas industrielle mais monétaire.
Aujourd'hui, sa pertinence repose toujours sur la confiance. Les banques centrales possèdent désormais plus de 36 700 tonnes métriques d'or à l'échelle mondiale, avec les États-Unis, l'Allemagne et la Chine parmi les plus grands détenteurs de réserves. Ces tonnes d'or représentent environ 17% de tout l'or jamais extrait. Pour de nombreux pays, les réserves d'or servent de forme de diversification, soutien de la crédibilité financière et protection contre la volatilité des devises ou les chocs géopolitiques. C'est pourquoi la demande d'or dans les banques centrales reste stable et augmente souvent en période d'incertitude mondiale.
Pour les investisseurs privés, l'or tend à bien performer lorsque les taux d'intérêts réels sont bas ou négatifs, lorsque les devises fiduciaires sont sous pression, ou lorsque les marchés plus larges sont en berne. Son rôle de couverture contre l'inflation à court terme est mitigé, mais sur de longues périodes, il a constamment préservé le pouvoir d'achat pendant les cycles inflationnistes.
Cela dit, l'or n'est pas un actif de croissance. Il ne produit pas de revenu, et son prix est influencé davantage par le sentiment (la confiance des investisseurs), les rendements réels et la force du dollar que par les fondamentaux de l'offre et de la demande. Mais lorsque la stabilité compte plus que le rendement, peu d'actifs ont une fiabilité aussi éprouvée.
L'argent : équilibre entre l'attrait de la valeur refuge et demande industrielle
L'argent jongle entre deux narratives d'investissement : réserve de valeur et commodité industrielle. Ce double rôle lui confère une flexibilité, fonctionnant comme une couverture partielle en période de stress de marché tout en offrant un potentiel de hausse en période d'expansion économique. Cette polyvalence le rend également plus complexe et plus volatile que l'or.
La demande industrielle est désormais le moteur de plus de la moitié de l'utilisation mondiale de l'argent. Les secteurs clés incluent l'électronique, l'énergie solaire, les composants automobiles, et les dispositifs médicaux. Sa haute conductivité et ses propriétés antimicrobiennes le rendent essentiel dans les technologies propres, où l'or n'a pas de rôle équivalent. Cependant, cette pertinence industrielle lie également le prix de l'argent aux tendances cycliques plus larges et aux niveaux de production.
Cette dynamique rend l'argent moins cohérent que l'or en tant que valeur refuge, mais plus réactif lors de périodes de relance et d'inflation axée sur la croissance. Il peut surperformer lors de phases de prise de risque, mais souvent être à la traîne lorsque la demande industrielle se contracte. Son prix par once inférieur le rend aussi plus accessible aux investisseurs particuliers, notamment sous forme physique, tandis que les ETF sur l'argent et les contrats à terme maintiennent une liquidité élevée pour des allocations plus importantes ou tactiques.
En tant que couverture contre l'inflation, l'argent tend à mieux réagir lorsque l'inflation est due à la croissance industrielle plutôt qu'à des chocs d'approvisionnement. Ses mouvements de prix ne reflètent rarement ceux de l'or au centime près, le plaçant comme un actif complémentaire dans les portefeuilles diversifiés, équilibrant potentiel défensif et avantage cyclique.
Le platine : pertinence technologique élevée face à la volatilité du marché
Le platine se distingue par sa rareté et son importance industrielle. Il est considérablement moins abondant que l'or ou l'argent, avec des opérations minières principalement situées en Afrique du Sud et en Russie. Cette concentration géographique peut entraîner des vulnérabilités au niveau de l'approvisionnement, bien que des évaluations récentes suggèrent que les sanctions actuelles sur les métaux de base russes sont peu susceptibles de perturber les marchés du platine à court terme.
Contrairement à l'or, la valeur du platine dérive principalement de ses applications industrielles. Environ 40% de la demande mondiale de platine provient du secteur automobile, où il est essentiel pour les convertisseurs catalytiques des véhicules à moteur à combustion interne. De plus, le platine est utilisé dans le raffinage du pétrole et les dispositifs médicaux et a des applications potentielles dans les technologies de piles à combustible hydrogène, bien que l'impact de ces dernières sur la demande soit actuellement modeste en raison de taux d'adoption plus lents que prévu.
Le marché du platine est caractérisé par sa volatilité, influencée par des facteurs tels que la substitution entre le platine et le palladium dans la fabrication automobile. Ces changements peuvent rapidement modifier la dynamique de la demande et les prix. De plus, le marché fait face à des défis structurels, notamment un déficit d'approvisionnement projeté de l'ordre de 848 000 onces en 2025, entraîné par des sorties minières limitées et des taux de recyclage faibles.
Malgré ces défis, le platine présente des opportunités spéculatives pour les investisseurs intéressés par les matières premières industrielles liées aux avancées technologiques et aux déséquilibres de l'offre et de la demande. Bien qu'il ne possède pas le rôle monétaire traditionnel de l'or ou l'identité double de l'argent, la position du platine dans le secteur industriel souligne sa pertinence potentielle dans les portefeuilles d'investissement diversifiés.
Devriez-vous investir dans les métaux précieux ? Avantages et inconvénients
Les métaux précieux ont longtemps été considérés comme des actifs servant de valeurs refuges, mais leur rôle dans les portefeuilles d'aujourd'hui est plus complexe. Ils peuvent offrir une protection contre les baisses des marchés conventionnels et une diversification, mais avec des compromis. Leur adéquation avec votre stratégie d'investissement dépend de votre horizon temporel, profil de risque, et allocation d'actifs globale.
Avantages de l'investissement dans les métaux précieux
Diversification du portefeuille
L'or, l'argent et les autres métaux précieux ont tendance à avoir une corrélation faible avec les actions et les obligations. Cela les rend efficaces pour réduire la volatilité du portefeuille, surtout lors de chocs financiers ou dans des contextes de réduction du risque.
Couverture contre l'inflation
L'or a historiquement préservé le pouvoir d'achat pendant les périodes d'inflation à long terme. Bien que la performance à court terme varie, il agit souvent comme une réserve de valeur pendant les cycles inflationnistes. L'argent peut offrir des avantages de couverture lorsque l'inflation est liée à l'expansion industrielle, bien que sa sensibilité à l'inflation soit moins cohérente.
Pas de risque de contrepartie
Les métaux précieux physiques ne sont pas émis par une institution et ne comportent aucun risque de crédit. Cela les rend attrayants lors de périodes de stress systémique, de faillites bancaires ou d'instabilité monétaire.
Liquidité et accessibilité
L'or et l'argent sont échangés mondialement via les marchés des contrats à terme, les ETFs, et l'achat de barres et de pièces auprès de revendeurs réputés. Ces marchés sont larges et efficaces, permettant aux investisseurs d'entrer ou de sortir facilement de leurs positions.
Reconnaissance et portabilité mondiale
Les métaux précieux sont reconnus et acceptés dans le monde entier. En période de contrôles des capitaux, de dévaluation monétaire ou de troubles géopolitiques, l'or en particulier peut servir de réserve de valeur qui peut être assez facilement transportable.
Inconvénients de l'investissement dans les métaux précieux
Absence de génération de revenus
Les métaux précieux ne paient pas d'intérêts ou de dividendes. Dans un contexte de taux élevés, le coût d'opportunité de leur détention augmente, surtout par rapport aux actifs générant des revenus tels que les obligations ou les actions à dividendes.
Volatilité des prix
Bien que l'or ait tendance à être plus stable, l'argent et le platine subissent des fluctuations marquées influencées par la demande industrielle, les cycles économiques et le sentiment des investisseurs. Même l'or peut réagir aux rendements réels et à la force des devises.
Coûts de stockage et d'assurance
Posséder des lingots physiques nécessite un stockage sécurisé et une assurance. Ces coûts peuvent réduire les rendements nets, surtout pour les petits portefeuilles ou les investisseurs sans accès à un stockage institutionnel.
Implications fiscales
Dans certains pays, dont les États-Unis, les métaux précieux sont taxés comme objets de collection. Cela peut entraîner des taux de taxation plus élevés que ceux appliqués aux actions ou fonds communs. Certains ETFs sur métaux précieux peuvent être soumis aux mêmes règles, selon leur structure juridique.
Risque comportemental
Comme les métaux sont souvent traités comme des couvertures en cas de crise, les investisseurs peuvent les acheter après une hausse des prix et les vendre après des baisses. Sans stratégie structurée et disciplinée, les erreurs de timing du marché peuvent réduire le bénéfice à long terme de la détention de métaux précieux.
Quelle part de votre portefeuille doit être en or et argent ?
L'or et l'argent peuvent aider à réduire la volatilité globale d'un portefeuille, mais leur allocation doit refléter votre tolérance au risque, objectifs d'investissement, et perspectives de marché. Pour la plupart des investisseurs à long terme, les métaux précieux fonctionnent mieux comme éléments d'une stratégie de diversification, plutôt que comme outils principaux de croissance.
Les portefeuilles conservateurs allouent souvent entre 2% et 5% du total des actifs aux métaux précieux, l'or étant préféré pour sa volatilité réduite et sa performance constante en cas de baisse des marchés. Les portefeuilles équilibrés ou sensibles à l'inflation peuvent allouer davantage, environ 10%, surtout en période d'instabilité monétaire ou de dépréciation de la monnaie. Les investisseurs tactiques peuvent ajuster l'exposition dynamiquement selon des signaux tels que la baisse des rendements réels, les changements de politique des banques centrales, ou la montée des tensions géopolitiques.
L'or agit généralement comme une couverture plus stable contre les chocs systémiques, tandis que l'argent présente plus de volatilité de prix et de sensibilité économique en raison de ses applications industrielles. Cela rend l'or plus adapté pour une exposition défensive principale et l'argent mieux placé pour une position tactique ou satellite.
Bien que les métaux précieux ne génèrent pas de revenu, une allocation bien dimensionnée peut offrir une protection précieuse en période de stress de marché. En se comportant indépendamment des actifs traditionnels, ils peuvent aider à compenser les pertes ailleurs et renforcer la résilience globale du portefeuille.
Comment accéder au marché des métaux : instruments et types d'exposition
Les investisseurs peuvent accéder aux métaux précieux par le biais de divers instruments financiers, chacun offrant des avantages distincts, des compromis et des implications pour le coût, la liquidité, et le risque.
Lingots physiques
Les barres et les pièces restent la manière la plus directe d'obtenir une exposition à l'or, l'argent, le platine ou le palladium. Ce sont des actifs tangibles, sans effet de levier, et sans risque de contrepartie. Cependant, le stockage sécurisé et l'assurance ajoutent des coûts, et la vente de métal physique peut impliquer des écarts (spread) entre cours acheteur et vendeur plus larges, surtout lors de périodes de stress de marché ou de demande en forte hausse.
ETFs et ETPs
Les ETFs sur les métaux précieux offrent une exposition liquide, facilement négociable en bourse, aux prix au comptant. Ces instruments permettent une négociation intrajournalière et un accès simplifié, mais ils peuvent comporter des frais de gestion et, selon la juridiction, un traitement fiscal moins favorable.
Actions minières et fonds communs
Investir dans des entreprises qui exploitent ou raffinent des métaux précieux offre une exposition indirecte, souvent amplifiée, aux prix sous-jacents des métaux. Ces actions peuvent surperformer en période de marchés haussiers mais comportent une volatilité et des risques plus élevés liés aux opérations, à la gestion, et aux coûts des intrants de matières premières. Les ETFs miniers et les fonds communs diversifient cette exposition sur plusieurs entreprises et zones géographiques, réduisant le risque d'investir dans une seule entreprise.
Contrats à terme et options
Les contrats à terme offrent un accès avec effet de levier à l'or, l'argent, le platine et le palladium, souvent utilisés par les investisseurs institutionnels et les traders expérimentés. Bien qu'ils offrent une efficacité en capital et une exposition directe, ils nécessitent un maintien d'une marge, comportent un risque de rollover à l'échéance, et sont sensibles aux fluctuations du marché à court terme.
Certificats et or numérique
Les certificats de métaux précieux ou les plateformes d'or numérique permettent aux investisseurs de posséder du métal sans en prendre livraison physique. Ces solutions réduisent les coûts de stockage et offrent de la flexibilité mais introduisent un risque de contrepartie. Les investisseurs doivent vérifier si le métal est entièrement alloué et assuré et si le dépositaire est transparent et réglementé.
Conclusion : Les métaux précieux jouent un rôle stratégique s'ils sont utilisés correctement
L'or, l'argent et le platine conservent leur pertinence, non pas parce qu'ils réagissent à chaque mouvement de marché, mais parce qu'ils se comportent différemment lorsqu'il le faut. Leur valeur réside dans leur réponse lorsque d'autres actifs échouent : l'or offre de la stabilité lorsque les taux d'intérêts réels baissent, l'argent reflète à la fois l'inflation et l'activité industrielle et le platine capture les contraintes du côté de l'offre et la demande technologique évolutive.
Aucun de ces métaux ne génère de revenu ni ne s'adapte directement à la croissance économique. Cependant, leurs propriétés défensives, leur liquidité mondiale et leur longue histoire de résilience leur confèrent un rôle distinct dans les portefeuilles diversifiés. Lorsqu'ils sont utilisés sélectivement et pondérés adéquatement, les métaux précieux peuvent ajouter de l'équilibre, surtout lorsque les classes d'actifs traditionnelles sont sous tension.