Un terrain de jeu calme

Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
C’était une séance calme. C’est normal. Les marchés financiers sont en mode pilotage automatique en l’absence des investisseurs américains. Le marché reste fondamentalement orienté à la hausse. Pour trouver de l’alpha depuis le début d’année, il n’y a pas de recette miracle, il suffit d’être exposé aux grandes valeurs technologiques américaines ou aux valeurs du luxe en France (si on préfère le CAC 40). On voit mal ce qui pourrait changer la donne. Au niveau des fonds, les fonds thématiques continuent d’attirer les particuliers. Rien de très nouveau sur ce front. Il y a aussi les gérants qui trébuchent. Le pire trade de l’année, c’est certainement celui-là : short actions américaines long actions chinoises. Cela peut faire sourire aujourd’hui mais au début d’année beaucoup de gérants faisaient ce pari en tablant sur la réouverture chinoise. La performance n’est évidemment pas au rendez-vous. Même si nous reconnaissons qu’il y a encore beaucoup d’incertitudes sur le front économique, ce n’est pas le bon moment pour aller contre le marché. Autrement dit, il faut continuer d’être exposé aux valeurs les plus liquides (potentiellement en misant sur les ETFs, par exemple).
- Aucune statistique importante hier (notamment parce que les marchés américains étaient fermés).
- A part dans une stratégie de stock picking, on continue de rester à l’écart des small caps (petites valeurs). La surperformance des large caps (valeurs les plus liquides) par rapport aux small est une parenthèse assez exceptionnelle dans l’histoire. Beaucoup de gérants considèrent que c’est un phénomène conjoncturel qui dure (cela fait près de cinq ans). Mais on peut légitimement s’interroger pour savoir si ce n’est pas structurel à ce niveau. La sous-performance des petites valeurs peut s’expliquer par plusieurs facteurs : la liquidité (les gérants s’en désintéressent si on regarde la grande majorité et beaucoup de particuliers, qui un rôle essentiel sur ce segment de marché, vont aller vers d’autres marchés plus volatils, comme les crypto-actifs), la réglementation (avec CSRD et ISSB et si c’est le cas, la sous-performance est durable) et enfin l’essor sans précédent des produits structurés qui sont très prisés par les conseillers financiers (les structureurs s’intéressent aux valeurs les plus liquides, ce qui désavantage automatiquement les petites valeurs). Il convient donc d’être peu exposé à ce segment de marché et de rester vigilant, même si les niveaux de valorisation sont, évidemment, très attractifs.
- Le nationalisme métallique monte d’un cran (cela renvoie à la tendance des pays exportateurs de matières premières stratégiques à en limiter l’accès). La Chine a annoncé en début de semaine (sans que cela crée beaucoup de remous politiques) la mise en place de restrictions aux exportations pour le gallium et le germanium à partir du 1er août. Les exportations de ces deux métaux ou de matériaux contenant ces métaux vont nécessiter une licence avant de pouvoir être autorisées. Concrètement, le destinataire final des exportations et l’objet de leur utilisation devront être précisés. Tout cela, au nom de la « préservation de la sécurité et des intérêts nationaux ». En fonction des alliances politiques et géopolitiques, la Chine va pouvoir restreindre arbitrairement l’exportation de métaux essentiels à l’industrie mondiale. C’est en particulier une mauvaise nouvelle pour l’Europe dans le cadre de la transition énergétique engagée. Le gallium est, par exemple, crucial pour les circuits intégrés, les LED et les panneaux photovoltaïques (Green Deal). Problème : la Chine représente plus de 80% des importations de gallium de l’Union Européenne. Cette dépendance s’est accentuée au cours des dernières années avec la fin de la production de gallium en Hongrie en 2013 et en Allemagne en 2016. Le gallium n’est pas un métal particulièrement rare. En revanche, nous n’avons plus depuis de longues années de chaînes de production en Europe. La transition énergétique va être compliquée.
Le compte-rendu de la dernière réunion du FOMC ne devrait être une surprise pour personne. La Réserve Fédérale opte pour au moins deux hausses de taux supplémentaires (dont une à la fois du mois). En revanche, dans les salles de marché, on commence à s’interroger sur le risque d’une erreur de politique monétaire (à savoir que les banques centrales ne prennent pas en compte le délai entre la hausse des taux et l’effet réel sur l’économie, ce qui pourrait les inciter à aller au-delà de ce qui est nécessaire pour lutter contre l’inflation).
Comme nous le rappelions hier, il n’y a rien au niveau des résultats d’entreprises. Il va falloir attendre la fin du mois (avec les bancaires américaines en particulier).