Ne pas savoir sur quel pied danser

Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
Tous les investisseurs (particuliers et institutionnels) avec lesquels nous avons échangé ces dernières semaines font le même constat : le marché est attractif au regard des valorisations (il suffit de regarder le PER de Hermès, par exemple !) mais les nombreux risques qui pèsent sur l’économie dans les prochains mois incitent à la prudence. Beaucoup d’investisseurs sont sur une stratégie de stock-picking et conservent une proportion inhabituellement élevée de cash pour saisir les opportunités qui se présenteront à l’avenir. Nous pensons que c’est la stratégie la plus censée (et prudente), à ce stade. Il faut certainement encore se tenir à l’écart des petites capitalisations (à part quelques exceptions comme Waga Energy qui a connu un superbe parcours boursier depuis son introduction en bourse). La réalité, c’est qu’il n’y a certainement pas d’autres options que de patienter sagement en attendant que nous ayons un peu de visibilité sur l’évolution à court et à moyen terme des marchés et de l’économie.
- Il y avait peu de statistiques hier. L’indice des prix à la consommation en août a de nouveau accéléré à 8,3 % sur un an. Il s’agit d’une première estimation. Mais c’est une mauvaise nouvelle pour les marchés financiers qui renforce la probabilité d’une hausse des taux de 75 points de base par la Réserve Fédérale américaine la semaine prochaine. En outre, la banque Barclays est la première banque de premier plan à prévoir la récession en France l’an prochain (-0,7% de croissance). La récession est probable. En revanche, son ampleur reste encore à déterminer. Il est très difficile dans les conditions économiques actuelles d’avoir de la visibilité au-delà de trois mois. Par conséquent, le niveau de contraction du PIB sera certainement à réviser au fur à mesure de l’expression ou pas des problèmes d’approvisionnement énergétique (en fonction en particulier de l’éventualité d’un rationnement énergétique). D’autres économies majeures vont certainement entrer en récession dans les trimestres à venir : le Royaume-Uni (c’est acquis), l’Australie, le Canada (éclatement de la bulle immobilière), l’intégralité de la zone euro, certains pays d’Europe centrale et orientale (Hongrie) etc. Une récession aux Etats-Unis n’est pas certaine, en revanche.
- A l’approche du XXème Congrès du Parti Communiste chinois (qui débute le 16 octobre prochain), la Chine poursuit sa stricte politique zéro Covid. Plusieurs villes autour de la capitale Pékin ont annoncé la mise en place de mesures de confinements hier pour faire face à une recrudescence de nouveaux cas. Shijiazhuang (plus de 2,3 millions d’habitants) a demandé à tous les habitants du district de Yuhua de travailler depuis chez eux pour une période de trois jours (fin prévue vendredi matin). Sanhe (440 000 habitants) va confiner l’intégralité de la population au moins jusqu’à samedi matin. L’impact de ces dernières années sur les chaînes d’approvisionnement devrait être marginal, toutefois.
- Les tensions au niveau de l’énergie subsistent. C’est en grande partie lié au fait que notre politique énergétique des dernières années fut un échec patent. Dans le nucléaire, c’est évident. L’actuel PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, a fait une démonstration magistrale à ce propos lors de la REF 2022. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Notre production d’électricité à partir du nucléaire est en chute libre. Elle est quasiment divisée par deux par rapport à la même période l’année dernière à environ 23 000 MW en 2022 contre presque 40 000 MW en 2021. Pire, on ne prépare pas l’avenir. Avant d’envisager de mettre des panneaux solaires sur tous les bâtiments ou de savoir si on doit avoir encore du nucléaire en 2040 ou pas, il faut d’abord s’attaquer à l’efficacité énergétique. C’est un peu l’angle mort de la politique énergétique actuelle. Comment consommer mieux en misant sur les innovations technologiques, comme l’intelligence artificielle. Par exemple, l’opérateur du métro de Barcelone a installé un système de climatisation dit intelligent avec pilotage par de l’intelligence artificielle. Les résultats sont stupéfiants : la consommation d’énergie a baissé de 25% et la satisfaction des usagers a augmenté de 10%. On peut tout à fait imaginer répliquer un système similaire dans les immeubles de bureaux, dans les collectivités, dans les cinémas etc. Il y a bien sûr des initiatives en la matière en France. Mais elles sont encore éparses. Où sont les applications concrètes de la stratégie d’intelligence artificielle dont s’est dotée la France en 2018 ? En tout cas, on ne les voit pas dans le domaine de l’énergie où les applications pourraient pourtant être nombreuses.
Inditex publie ses résultats aujourd’hui. Le titre affiche une baisse de 21% depuis le début de l’année. Mais étant donné les conditions de marché, ce n’est pas surprenant. Peu d’entreprises arrivent à échapper à la lame de fond baissière. Le groupe d’habillement (qui possède notamment la marque Zara) reste une valeur sûre à long terme. Le cours est autour de 22 euros. Il y a de grandes chances qu’il renoue au moins avec la zone des 29 euros à moyen terme (prime de valorisation en termes de ratio PE à douze mois qui est inférieure à la moyenne, par rapport à son concurrent suédois H&M, et marges qui devraient continuer de progresser à l’avenir).
L’agenda économique du jour est chargé. L’indice des prix à la production aux Etats-Unis pour le mois d’août est publié cet après-midi (première estimation – probable confirmation du reflux de la hausse des prix). En zone euro, la production industrielle en juillet pourrait ressortir en baisse (en ligne avec le chiffre décevant de la production industrielle au Royaume-Uni sur la même période). Plusieurs discours de banquiers centraux et de dirigeants européens sont prévus : François Villeroy de Galhau au FMI (Banque de France), Philip Lane à Francfort (chef économiste de la BCE) et Ursula von der Leyen à Strasbourg pour son traditionnel discours sur l’état de l’Union (présidente de la Commission Européenne).
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