Les actions qui font avancer la révolution de l’IA en Europe

Ruben Dalfovo
Investment Strategist
Points clés
L’IA en Europe ne se limite pas aux semi-conducteurs : elle couvre aussi les outils, les logiciels et le cloud souverain.
Moins chère en moyenne, mais pas partout : il faut savoir chasser les bonnes affaires et n’accepter de payer une prime que pour des positions défensives solides.
La politique est un levier : les règles européennes favorisent les données locales, la facilité de changement de fournisseur et des prestataires auditables.
Comment l’Europe se positionne dans l’IA : 4 piliers
L’IA en Europe ne se limite pas aux semi-conducteurs : elle couvre aussi les outils, les logiciels et le cloud souverain.
Moins chère en moyenne, mais pas partout : il faut savoir chasser les bonnes affaires et n’accepter de payer une prime que pour des positions défensives solides.
La politique est un levier : les règles européennes favorisent les données locales, la facilité de changement de fournisseur et des prestataires auditables.
L’IA n’est pas qu’une histoire américaine. L’Europe construit les machines qui fabriquent les puces, fournit les semi-conducteurs pour l’automobile et l’industrie, développe les logiciels qui les pilotent et fixe les règles de gestion des données. Les marchés continuent de valoriser surtout le récit américain, mais l’Europe contrôle les outils de fabrication des puces et le logiciel qui fait tourner les usines.
Les entreprises européennes se négocient souvent avec une décote par rapport à leurs homologues américaines, mais les acteurs rares et de qualité se paient toujours avec une prime. Par ailleurs, la réglementation oriente les budgets vers des clouds locaux et auditables, un domaine où l’Europe est compétitive. Enfin, hors des États-Unis, la Chine réduit rapidement l’écart sur son propre marché — une dynamique que les investisseurs ne peuvent ignorer.
L’IA européenne se décline en une pile simple :
Les machines qui fabriquent les puces.
Les puces intégrées dans les voitures, usines et systèmes énergétiques.
Les logiciels qui pilotent ces usines.
Les règles et les clouds qui garantissent que les données restent locales et auditables.
Chaque pilier a ses moteurs et ses risques. Voici un aperçu rapide pour cartographier l’exposition.
Pilier 1 : machines et équipements
ASML Holding est l’acteur incontournable européen des équipements pour semi-conducteurs. Il produit les machines de lithographie extrême ultraviolet (EUV), les seules capables de graver les caractéristiques les plus fines sur les puces avancées destinées à l’IA. Sans elles, Nvidia ou TSMC ne peuvent pas accroître la densité des transistors.
La prochaine étape, le High-NA EUV, permettra des conceptions encore plus serrées, cruciales à mesure que les charges de travail en IA exigent des puces plus rapides et plus efficaces.
Cette rareté fait d’ASML un goulet d’étranglement pour l’offre mondiale de semi-conducteurs. Par ailleurs, ASML a investi dans Mistral AI en France, montrant la volonté européenne de relier la force matérielle au développement de modèles souverains. Pour les investisseurs, cela représente une rareté structurelle avec une forte visibilité à long terme, à mesure que les nœuds se réduisent et que le packaging progresse ; les risques tiennent aux restrictions d’exportation, aux cycles d’investissement de ses clients et aux délais de livraison.
Pilier 2 : fabricants de puces
L’exposition de l’Europe aux semi-conducteurs va bien au-delà des data centers.
STMicroelectronics fournit des microcontrôleurs (MCU) et capteurs intégrant des fonctions IA embarquées, essentiels pour les voitures, les machines industrielles et les systèmes énergétiques où la latence et la confidentialité sont cruciales.
Infineon Technologies complète cette offre avec des semi-conducteurs de puissance et des puces automobiles permettant l’électrification et l’automatisation industrielle, en intégrant de plus en plus de logique IA à la périphérie.
Ensemble, STM et Infineon donnent à l’Europe un levier unique dans les secteurs où l’IA rencontre l’« économie réelle » : usines, énergie, véhicules. Pour les investisseurs, cela signifie une exposition diversifiée à l’IA, liée aux volumes d’unités et au contenu par appareil ; les principaux risques restent le cycle automobile, la pression sur les prix dans les segments commoditisés et les variations de stocks.
Pilier 3 : logiciels qui font tourner l’usine
L’IA apporte le plus de valeur là où les données sont propres et fiables.
SAP Joule s’intègre aux flux de travail de la finance, des achats et de la chaîne d’approvisionnement, garantissant des réponses liées à des enregistrements et validations réels.
Dassault Systèmes déploie l’IA dans les « jumeaux numériques » (modèles virtuels de machines ou d’usines) pour tester les conceptions, améliorer les rendements et planifier la maintenance.
Pour les investisseurs : revenus récurrents en croissance avec des opportunités de cross-sell constantes ; les risques sont des budgets IT plus lents, des cycles de vente longs et la nécessité de démontrer rapidement la valeur ajoutée.
Pilier 4 : cloud souverain et données locales
Deux réglementations européennes redirigent les budgets :
Le AI Act (phases progressives jusqu’en 2025) élève les exigences de transparence et de sécurité.
Le Data Act réduit les frictions de sortie de données (coût de transfert hors d’un cloud), facilitant le changement de prestataire.
Résultat : une demande accrue pour des solutions locales et auditables.
OVH propose un cloud souverain natif européen avec des succès dans le secteur public et des garanties de résidence des données.
Deutsche Telekom, via T-Systems, développe et exploite des clouds souverains pour les ministères et les industries réglementées.
En parallèle, l’Europe construit un référentiel commun pour le partage de données dans le cloud. Gaia-X, initiative pilotée par l’industrie et soutenue par les gouvernements européens, définit des standards techniques et de gouvernance pour permettre la portabilité des données entre fournisseurs, sans verrouillage, tout en respectant la résidence et la sécurité.
Pour les investisseurs, cela signifie une orientation des dépenses vers les fournisseurs capables de garantir la résidence et l’auditabilité des données européennes ; les risques sont la fragmentation, l’augmentation des coûts de conformité et des délais d’achat plus longs.
Exposition des entreprises européennes le long de la chaîne de valeur de l’IA
Tech européenne : décotes et valeurs de premier plan
L’Europe se valorise souvent moins cher que les États-Unis, ce qui permet de trouver des opportunités — mais pas partout. Les acteurs rares et leaders de leur catégorie se paient avec une prime, tandis que les valeurs cycliques ou moins connues restent à décote.
Plus chères : actifs rares dotés de solides avantages concurrentiels. Exemple : machines EUV et logiciels industriels de premier plan. Les investisseurs paient pour la domination, la visibilité et les marges élevées.
Moins chères : semi-conducteurs en périphérie, services informatiques, logiciels IA de moindre taille. Les décotes reflètent la cyclicité auto/industrielle, une croissance plus faible ou une moindre couverture par les analystes.
Entre les deux : plateformes de qualité avec abonnements réguliers. Ni bon marché, ni excessivement chers.
Pourquoi cet écart ?
Croissance et marges : plus elles sont fortes, plus les multiples (PER ou EV/Ventes) montent.
Narratif : les valeurs américaines attirent davantage l’attention et les capitaux.
Cycles : l’exposition à l’automobile et à l’industrie pèse sur les multiples lors des ralentissements.
Liquidité et poids dans les indices : les entreprises américaines bénéficient d’un soutien plus fort, l’Europe étant à la traîne.
Guide pour l’investisseur
Cartographier son exposition tout au long de la chaîne : équipements → semi-conducteurs → logiciels → cloud souverain.
Miser sur les « workflows indispensables » où la qualité des données constitue une barrière défensive.
Suivre les catalyseurs liés à la régulation : transparence des modèles, portabilité, certifications.
Tester la solidité des marges et de la croissance face aux contrôles d’exportation, aux cycles d’investissement et aux ralentissements auto/industriels.
IA en Europe : contrôle, conformité, effet cumulatif
L’IA européenne repose sur du concret : machines pour puces, semi-conducteurs en périphérie, logiciels pour usines, et règles garantissant que les données restent locales et auditables. Si la demande bascule vers des clouds souverains et de l’IA sur site, les dépenses peuvent irriguer toute cette chaîne de valeur.
Les risques sont identifiés : restrictions à l’export, ralentissement des investissements, cycle auto-industriel.
À court terme, le déploiement du Data Act et les lignes directrices de l’AI Act orienteront les prix et les offres des fournisseurs, tandis que l’adoption de l’IA en entreprise montrera la vitesse de montée en puissance de la demande.
L’IA européenne repose sur le contrôle et la conformité — utile plus que tape-à-l’œil — et ce modèle peut produire des effets cumulatifs dans le temps.
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