C'est trop tôt

Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
C’est encore trop tôt pour revenir sur le marché. Des achats opportunistes peuvent toujours faire sens, toutefois. De notre point de vue, les prévisions de profits de beaucoup d’entreprises cotées sont encore trop optimistes. En fonction de l’évolution macroéconomique (et de la réalité du risque de récession), nous pourrions même avoir un recul des profits dans certains secteurs en 2023. S’ajoute à cela aussi la dégradation du crédit. Le mouvement est plus avancé côté américain que côté européen. Aux Etats-Unis, l’élargissement de l’écart de rémunération entre la dette privée la mieux notée et le 10 ans américain atteint 145 points de base. C’est une alerte sérieuse qui indique que le processus de baisse des valorisations n’est pas encore prêt de se terminer. Sur du court terme, la publication attendue aujourd’hui de l’estimation flash des PMI pour la zone euro devrait confirmer que les tensions inflationnistes restent élevées et se répandent au secteur des services. C’est notre principaux point d’inquiétude, à ce stade.
- Il y avait peu de statistiques hier. L’indice IFO du climat des affaires en Allemagne s’est amélioré à la surprise générale. Il est ressorti à 93 en mai contre 91,9 en avril. Le consensus visait une baisse à 91,4. Mais ce rebond est probablement éphémère. En France, le marché de l’emploi continue de bien se porter. La part des personnes en emploi à temps partiel mais qui souhaiteraient pouvoir travailler plus et celle des personnes au chômage technique ou partiel est tombée à 4,7% au premier trimestre de cette année. C’est un point bas historique. Cela peut paraître paradoxal alors que l’économie est probablement entrée en récession technique. Il faut garder à l’esprit que l’emploi est un indicateur en retard sur le cycle économique. Les perturbations actuelles n’entraîneront des conséquences sur le marché du travail que d’ici quelques mois.
- La cause environnementale c’est bien quand cela rapporte de l’argent. Les fonds ESG ont affiché une impressionnante résilience pendant la pandémie. Ce n’est désormais plus le cas. Du fait du choix plus réduit de l’univers d’investissement et des thématiques liées à l’ESG, les fonds du domaine affichent de médiocres performances en ce début d’année. La situation est telle que le géant de la finance Blackrock a décidé de faire marche arrière sur le sujet alors qu’il avait clamé pendant deux ans et demi que le risque climatique est sa priorité. Le problème, c’est que la vraie priorité, c’est la rentabilité des clients. A long terme, l’ESG doit toujours être un aspect différenciant dans les portefeuilles. A court terme, l’objectif est surtout de réduire les pertes et de faire quelques gains (dans le meilleur des scénarios) dans un environnement de marché qui est de plus en plus complexe. Cela n’empêche pas de saluer les beaux projets en cours dans la transition énergétique. La semaine dernière, le Danemark, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas se sont engagés à transformer la mer du Nord en une « centrale électrique verte » via la construction d’îles artificielles où l’énergie éolienne pourrait être transformée en hydrogène et en électricité. C’est une piste sérieuse pour contourner le problème d’intermittence inhérent à l’éolien (et au solaire). Ce projet, qui mettra des années à aboutir, pourrait faire passer la capacité éolienne offshore des quatre pays de 15 GWh à 65 GWh d’ici 2030.
Les résultats d’entreprises continuent avec Kuaishou Technology (holding d’investissement), Intuit (gestion et comptabilité), NetEase (exploitant du site chinois 163.com), AutoZone (pièces et accessoires automobiles de rechange, le plus grand aux Etats-Unis) et Agilent Technologies (instruments de mesure, société basée en Californie).
Après un mois d’avril plutôt surprenant au niveau de l’activité dans les services en zone euro, le marché essaiera d’avoir confirmation de la bonne dynamique avec l’estimation flash des PMI en mai prévue aujourd’hui. Il est toutefois probable que la hausse de l’inflation commence à mettre à mal le business model de nombreuses entreprises. Nous avons déjà des échos en ce sens au niveau français. De belles pépites de la fintech, qui ont levé des fonds de manière importante ces dernières années, commencent à être frappées par la baisse de l’activité liée à l’inflation et sont en train de couper dans les coûts. Il n’est plus aussi facile de lever de l’argent qu’avant. La rentabilité est désormais la priorité.
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