Or : un cap historique, un monde en mutation

Ole Hansen
Responsable de la stratégie des matières premières
Points clés
L’or poursuit sa progression et entre en territoire inédit, après avoir franchi pour la première fois le seuil de 4 000 USD l’once sur les marchés asiatiques.
Ce dépassement des 4 000 USD ne s’explique pas uniquement par les anticipations de taux d’intérêt ou par la faiblesse du dollar. Il traduit aussi une évolution plus profonde du comportement des investisseurs et des flux mondiaux de capitaux.
Depuis le début de l’année, les gains atteignent environ 52 %, tandis que l’argent et le platine progressent respectivement de 64 % et 86 %. Le palladium, moins suivi, affiche près de 50 % de hausse.
Une progression née de la méfiance
L’or a atteint un nouveau sommet historique après avoir franchi les 4 000 USD l’once en Asie, jusqu’à 4 039 USD avant de se stabiliser, malgré le redressement du dollar et les signaux de prudence de la Réserve fédérale concernant le rythme des prochaines baisses de taux. Cette étape marque l’aboutissement d’une hausse prolongée qui redéfinit la perception du marché sur les moteurs du cours de l’or — et sur ce que certains considèrent désormais comme une valeur refuge.
Ce mouvement ne s’explique pas seulement par des facteurs économiques classiques. Il reflète une transformation plus profonde dans la confiance accordée aux actifs financiers traditionnels. Dans un contexte géopolitique plus fragmenté, l’utilisation stratégique des marchés, des systèmes de paiement et des réserves par certaines puissances a réduit la confiance envers des supports comme le dollar américain ou les bons du Trésor. Les sanctions, les gels d’actifs et les inquiétudes budgétaires ont conduit certains investisseurs — institutionnels comme souverains — à se tourner davantage vers des actifs tangibles extérieurs au système financier.
Depuis 2022, cette évolution est devenue visible : les sanctions occidentales contre la Russie ont entraîné le gel des réserves de sa banque centrale, tandis que la Chine a renforcé ses achats d’or. Les banques centrales ont depuis accru leurs réserves d’or de plus de 1 000 tonnes par an, un rythme record. Dans le même temps, des investisseurs privés et institutionnels ont augmenté leur exposition à l’or physique et aux fonds indiciels adossés au métal.
Le marché est désormais davantage soutenu par une demande structurelle de stabilité que par des flux spéculatifs à court terme réagissant aux taux réels. La corrélation historique entre le cours de l’or et les rendements réels américains s’est nettement affaiblie, soulignant le poids croissant des facteurs politiques, budgétaires et stratégiques.
Une rupture avec les anciennes règles
Pendant des décennies, le cours de l’or a évolué en sens inverse des taux réels américains : lorsque les rendements ajustés de l’inflation montaient, l’or reculait, et inversement. Ce schéma s’est toutefois fragilisé à partir de 2022, lorsque le resserrement monétaire rapide de la Réserve fédérale n’a pas entraîné le repli attendu du métal.
Malgré une hausse de 525 points de base du taux directeur sur 17 mois, l’or a résisté, soutenu par les achats des banques centrales et la demande chinoise, compensant les ventes liées aux taux d’intérêt plus élevés. Fin 2022, plusieurs tentatives pour faire descendre les prix sous les 1 615 USD l’once ont échoué, ouvrant la voie à un rebond prolongé culminant en mars 2024 avec le franchissement du seuil de 2 075 USD — plafond maintenu pendant trois ans. Ce passage a déclenché une nouvelle dynamique, alimentée par des flux entrants venus d’investisseurs institutionnels et particuliers.
Depuis, la tendance s’est poursuivie. Les gains depuis le début de l’année atteignent environ 52 %, tandis que l’argent et le platine progressent respectivement de 64 % et 86 %. Le palladium, moins présent sur les radars, avance d’environ 50 %. Cette évolution généralisée illustre un intérêt accru pour les métaux précieux considérés comme des valeurs tangibles.
L’or poursuit sa progression et entre en territoire inédit, après avoir franchi pour la première fois le seuil de 4 000 USD l’once sur les marchés asiatiques.
Ce dépassement des 4 000 USD ne s’explique pas uniquement par les anticipations de taux d’intérêt ou par la faiblesse du dollar. Il traduit aussi une évolution plus profonde du comportement des investisseurs et des flux mondiaux de capitaux.
Depuis le début de l’année, les gains atteignent environ 52 %, tandis que l’argent et le platine progressent respectivement de 64 % et 86 %. Le palladium, moins suivi, affiche près de 50 % de hausse.
L’effet Chine : un flux à sens unique
Le rôle de la Chine a été déterminant. Alors que les prix de l’immobilier reculent pour la première fois depuis une génération, les ménages chinois se tournent vers d’autres formes de placement. L’or s’est imposé comme une option privilégiée, soutenue par des campagnes médiatiques officielles rappelant son statut d’actif de référence. Cette dynamique est renforcée par la structure particulière du marché chinois : une fois importé, l’or ne peut être réexporté. Résultat, un flux unidirectionnel qui absorbe une partie de l’offre mondiale et contribue à resserrer le marché international.
La réouverture de la Bourse des métaux de Shanghai (Shanghai Futures Exchange) demain, après la pause de la Golden Week, constituera un nouveau test du sentiment du marché. Les contrats à terme devraient s’y échanger environ 6 % plus haut, ce qui pourrait raviver la dynamique mondiale. Le degré d’engagement des investisseurs chinois face à cette hausse permettra de mieux évaluer si le mouvement actuel peut se poursuivre ou si une phase de consolidation à court terme est probable.
Réserve fédérale et inquiétudes budgétaires
Au-delà des flux, les facteurs politiques jouent également un rôle. Les discussions autour de l’indépendance de la Réserve fédérale, à l’approche des élections de mi-mandat américaines de 2026, s’ajoutent aux tensions liées aux déficits budgétaires et aux interruptions de fonctionnement du gouvernement. Ces éléments alimentent des interrogations sur la capacité de Washington à maîtriser ses finances publiques. Les États-Unis consacrent désormais davantage de ressources au paiement des intérêts de leur dette qu’à la défense, un constat qui alimente l’intérêt pour les actifs perçus comme n’impliquant pas de risque de contrepartie.
Ainsi, la hausse du cours de l’or apparaît en partie comme le reflet d’un recul de confiance envers l’ordre financier établi. Pendant des décennies, les bons du Trésor américains étaient considérés comme la référence mondiale sans risque. Le marché semble aujourd’hui exprimer une nuance : « sans risque » et « fondé sur la confiance » ne sont plus nécessairement synonymes.
Surachetés sur les graphiques, sous-pondérés dans les portefeuilles
Sur le plan technique, l’or montre des signes de surchauffe. L’indice de force relative (RSI) mensuel dépasse 90 pour la première fois depuis les années 1980, ce qui traduit un certain excès à court terme. Une zone de résistance est anticipée entre 4 100 et 4 150 USD, où des prises de bénéfices pourraient apparaître.
D’un point de vue structurel, cependant, l’or reste faiblement représenté dans les portefeuilles institutionnels, avec des niveaux d’allocation historiquement bas par rapport aux actions et obligations.
Ce déséquilibre laisse envisager un potentiel d’ajustement, notamment si les récentes fluctuations sur les marchés obligataires et des devises sont perçues comme un signe de fragilité du système. Dans cette optique, une phase de repli technique de 200 à 300 USD serait interprétée comme une normalisation plutôt que comme la fin du mouvement haussier.
Argent, platine et effet de rattrapage
Si l’or attire l’attention, les autres métaux précieux évoluent également dans une dynamique soutenue. L’argent, souvent décrit comme plus volatil que l’or, affiche une progression de 64 % depuis le début de l’année et se rapproche du record de 2011 à près de 50 USD l’once. Le platine, en hausse de 86 %, profite à la fois d’une offre plus limitée et de son positionnement comme alternative plus abordable à l’or.
Le ratio or/platine a nettement reculé, passant de 3,5 en avril à 2,44 aujourd’hui. Avec une moyenne sur cinq ans autour de 2,15, une poursuite de ce mouvement d’ajustement resterait possible en cas de rotation continue des investisseurs.
Le palladium, après plusieurs années de sous-performance liée à un excès d’investissement dans les catalyseurs automobiles, montre des signes de stabilisation. Sa progression de 7,8 % sur la dernière semaine est la plus marquée du segment, même si ses cours demeurent éloignés des sommets de 2021.
Perspectives : entre volatilité et changement de paradigme
La période à venir pourrait combiner des phases de volatilité à court terme avec des tendances plus structurelles. Une consolidation autour de 3 800–3 900 USD permettrait de résorber les excès récents sans remettre en cause la trajectoire globale. Le maintien de la dynamique dépendra notamment des achats des banques centrales, de la stabilité des importations chinoises et de la constance des flux vers les fonds indiciels adossés à l’or.
Au-delà des variations de court terme, une question de fond se pose : la hausse de l’or traduit-elle une réorganisation durable du paysage financier mondial ? Si les acteurs de marché perçoivent de plus en plus les systèmes politiques et financiers comme interdépendants — et potentiellement vulnérables —, l’intérêt pour les actifs tangibles et non assortis d’obligations envers des tiers pourrait s’en trouver renforcé.
Le franchissement du seuil des 4 000 USD par l’or pourrait ainsi symboliser davantage qu’un simple cycle haussier : il s’agirait d’une remise en question plus large de la notion même de confiance et de souveraineté au sein du système financier international. En ce sens, le marché ne se contente peut-être pas d’interroger l’ordre établi — il anticipe déjà les contours du suivant.
D’un point de vue structurel, cependant, l’or reste faiblement représenté dans les portefeuilles institutionnels, avec des niveaux d’allocation historiquement bas par rapport aux actions et obligations.
Le ratio or/platine a nettement reculé, passant de 3,5 en avril à 2,44 aujourd’hui. Avec une moyenne sur cinq ans autour de 2,15, une poursuite de ce mouvement d’ajustement resterait possible en cas de rotation continue des investisseurs.
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