2026 : les chocs d’actualité à passer au crible dans votre portefeuille
Points clés :
- Les revues de fin d’année dérapent souvent pour deux raisons : on poursuit ce qui a fonctionné en 2025, et on suppose que 2026 sera une simple prolongation.
- C’est souvent là que les portefeuilles deviennent fragiles : le risque n’est pas seulement le prochain titre de presse, c’est l’exposition implicite déjà présente dans votre portefeuille.
- Une approche simple : passer en revue cinq « chocs d’actualité » plausibles. Pensez-y comme à un exercice de vérification : si un choc survient, savez-vous ce qui serait touché en premier ?
En fin d’année, deux tentations apparaissent souvent en même temps :
- Revenir naturellement vers ce qui a le mieux marché en 2025, et
- Penser que 2026 prolongera la même dynamique, en plus “simple”.
C’est souvent à ce moment-là que les portefeuilles se fragilisent, car le risque principal n’est pas forcément le prochain choc externe. C’est le pari implicite que l’on porte déjà, parfois sans l’avoir formalisé.
Pour gagner en lisibilité, vous pouvez confronter votre portefeuille à quelques scénarios plausibles. L’objectif n’est pas de prédire 2026, mais de mieux comprendre où se situent vos sensibilités et quelles expositions se recoupent.
Choc n°1 : IA — « La demande ralentit ou le marché exige des preuves »
Il ne s’agit pas de dire que l’IA « s’arrête ». Le scénario est plutôt celui d’un marché plus exigeant : où sont les marges ? qui a un vrai pouvoir de fixation des prix ? qui transforme la croissance en cash-flow ?
Ce qui peut déclencher ce scénario
- Des budgets IA qui marquent une pause, ou deviennent plus sélectifs
- Des perspectives en dessous d’attentes très élevées
- Des valorisations qui se normalisent, même si l’activité reste correcte
Expositions potentiellement les plus sensibles
- Les leaders IA très détenus et les titres « valorisés pour la perfection »
- Les actions à multiples élevés reposant sur des bénéfices lointains
- Les “effets de chaîne” (acteurs secondaires dépendant d’une accélération continue des investissements)
- Les portefeuilles où plusieurs lignes reviennent, au fond, au même pari IA
Expositions potentiellement plus robustes
- Une exposition plus diversifiée à la chaîne de valeur (moins concentrée sur quelques titres)
- Des entreprises qui génèrent du cash-flow aujourd’hui et disposent de bilans solides
- Des expositions “outils et infrastructures” avec des débouchés diversifiés
Choc n°2 : inflation / taux — « Les taux à 10 ans gagnent 1 % » (ou des baisses repoussées)
Une hausse marquée des taux longs peut s’expliquer par plusieurs facteurs :
- Le retour d’inquiétudes sur l’inflation
- Les enjeux budgétaires et le volume d’émissions obligataires
- Des banques centrales qui restent restrictives plus longtemps
- Une réévaluation du “taux d’équilibre”, même si l’activité tient
Expositions potentiellement les plus sensibles
- Actions à forte sensibilité aux taux (croissance à multiples élevés, bénéfices lointains)
- Obligations de longue maturité
- Portefeuilles cumulant les deux : « double sensibilité aux taux »
- Certains actifs réels sensibles aux taux (immobilier coté, infrastructures), surtout en cas d’endettement
Expositions potentiellement plus robustes
- Entreprises générant du cash-flow à court terme
- Revenu fixe de maturité plus courte / supports proches du cash
- Entreprises avec pouvoir de fixation des prix
Choc n°3 : croissance — « Les attentes de résultats sont révisées à la baisse »
Scénario où l’atterrissage économique devient moins “doux” :
- Des entreprises ajustent leurs perspectives
- Des marges sous pression
- Une consommation qui ralentit
- Des estimations d’analystes en baisse
Expositions potentiellement les plus sensibles
- Secteurs cycliques (industrie, consommation discrétionnaire, transports, semi-conducteurs sensibles au cycle)
- Petites capitalisations (sensibilité aux résultats et au refinancement)
- Crédit à haut rendement / bilans fragiles
- Scénarios chèrement valorisés avec peu de marge de sécurité
Expositions potentiellement plus robustes
- Bilans de qualité et cash-flows plus stables
- Certains segments défensifs (en restant attentif aux valorisations)
- Une réserve de liquidité pour éviter de vendre au pire moment
Choc n°4 : dollar — « Le dollar bouge rapidement de 5 à 10 % »
Les mouvements de change peuvent venir d’écarts de taux, du sentiment de risque ou de surprises de politique économique. Ils peuvent peser sur la performance, même lorsque les actifs sous-jacents bougent peu.
Si le dollar se renforce
Expositions potentiellement les plus sensibles
- Actions et crédit émergents, ainsi que les devises émergentes
- Certaines matières premières (souvent, mais pas systématiquement)
- Les portefeuilles exposés à une baisse du dollar sans l’avoir identifié
Si le dollar s’affaiblit
Expositions potentiellement les plus sensibles
- Portefeuilles très concentrés en actifs en dollars, sans diversification hors États-Unis
- Portefeuilles très orientés cash en USD (coût d’opportunité si les actifs mondiaux repartent)
Expositions potentiellement plus robustes
- Une approche change définie (couvert / non couvert) de manière cohérente
- Une diversification géographique où le change est une composante assumée
Choc n°5 : liquidité — « La volatilité grimpe et les spreads s’écartent »
C’est souvent le choc qui donne une impression de soudaineté :
- La volatilité augmente rapidement
- Les spreads de crédit s’élargissent
- Des positions très consensuelles se dénouent
- Des actifs supposés liquides… le deviennent moins
Expositions potentiellement les plus sensibles
- Positions consensuelles (tout le monde détient, donc tout le monde vend)
- Positions avec levier (risque de ventes forcées)
- Thématiques peu liquides (petites valeurs, expositions niches)
- Crédit à haut rendement / émergent lorsque les spreads s’écartent brusquement
Expositions potentiellement plus robustes
- Cash et actifs très liquides de haute qualité
- Portefeuilles plus simples, avec moins de paris redondants
- Crédit de meilleure qualité (qui peut baisser, mais souvent moins fragile)
Comment utiliser ce cadre
- Notez vos 10 principales positions (ou vos grandes catégories d’exposition).
- Pour chacune, identifiez le ou les chocs les plus pertinents : IA / taux / croissance / dollar / liquidité. Il peut y en avoir plusieurs.
- Apple : choc croissance (arbitrages de consommation), choc dollar (effet change sur les revenus internationaux)
- Nvidia : choc IA, choc taux (sensibilité de valorisation), choc liquidité (positionnement consensuel)
- JP Morgan : choc croissance (cycle du crédit), choc taux (selon la courbe), choc liquidité (spreads)
- Exxon Mobil : choc croissance (demande de pétrole)
- Or : choc taux (taux réels), choc dollar
- Si 7 positions sur 10 relèvent du même choc, vous avez identifié un pari implicite.
- L’objectif n’est pas de « tout changer ». Il s’agit d’améliorer la lecture du portefeuille en ajoutant un élément qui contrebalance le risque dominant.
- IA : limiter la concentration thématique (par exemple définir une limite interne)
- Croissance : compléter avec des expositions plus défensives / de meilleure qualité
- Liquidité : relever le plancher de liquidité en réduisant levier et positions surpeuplées, et en privilégiant des supports plus liquides
En conclusion
Vous n’avez pas besoin de prédire 2026. L’enjeu est d’éviter un portefeuille qui ne fonctionne que si un seul scénario reste parfait.
Si 70 % ou plus de votre portefeuille est vulnérable au même choc, vous n’êtes pas nécessairement diversifié : vous portez peut-être une vision macro forte, parfois sans l’avoir explicitée.