Points clés
- La dynamique de l’IA est réelle mais inégale : la Big Tech resterait l’ossature du cycle IA, mais le leadership se diviserait désormais entre les acteurs qui monétisent déjà l’IA et ceux qui sont encore en phase de construction de capacités.
- Les bénéfices sont élevés, les valorisations encore plus : les carnets de commandes et les résultats permettraient de rester exposé, mais des valorisations élevées augmenteraient aussi le risque de correction en cas de déception sur la croissance ; il conviendrait donc de bien mesurer le risque de baisse avant de modifier une position.
- Rester investi, mais rester sélectif : même si les vents porteurs de l’IA restent puissants, la combinaison valorisations élevées + risques d’exécution pourrait rendre les performances plus volatiles, d’où l’intérêt de la diversification et de limites de risque claires.
Après une nouvelle série de résultats très solides des géants technologiques, deux questions reviennent dans les portefeuilles :
1 – Ceux qui ont profité du rallye depuis début 2023 disposent de gains importants et se demanderaient s’il faut sécuriser une partie.
2 – Ceux qui sont restés en marge ressentent la peur de rater l’opportunité (FOMO) et se demanderaient s’ils n’ont pas manqué le meilleur point d’entrée.
Ces deux préoccupations peuvent se comprendre. Le boom IA a porté les “Magnificent” vers de nouveaux sommets, mais derrière cette hausse, les trajectoires se différencient entre entreprises qui monétisent déjà l’IA et celles qui investissent encore pour demain.
Ce Q&A vise à éclairer ce qui a réellement changé après les publications, ce qui est déjà intégré dans les cours et comment envisager d’alléger, de faire tourner ou de conserver ses positions à l’entrée de la prochaine phase de la Big Tech.
Q. Les cinq géants ont dépassé les attentes, pourquoi les marchés ont-ils réagi différemment ?
Parce que les chiffres ne font pas toute l’histoire. Même si Microsoft, Amazon, Google, Apple et Meta bénéficient tous de la dynamique IA, ils n’en sont pas au même stade de transformation de cette dynamique en bénéfices.
- Microsoft et Amazon livreraient déjà une croissance portée par le cloud et les services IA, soutenue par la trésorerie.
- Alphabet (Google) convertirait l’adoption de l’IA en nouveaux clients, mais la rentabilité serait encore en phase de montée.
- Meta dépenserait beaucoup pour construire sa capacité IA, ce qui brouillerait le flux de trésorerie à court terme.
- Apple continuerait d’offrir une croissance régulière tirée par les services, avec une stratégie IA volontairement plus lente et intégrée.
Cette divergence est plutôt saine : la Big Tech ne serait plus un seul “trade”, mais un ensemble d’histoires d’investissement distinctes. Cela permettrait d’être plus sélectif : réduire là où la valorisation est pleine, renforcer là où la visibilité s’améliore.
Q. Qu’est-ce qu’un « backlog IA » et pourquoi est-ce important ?
Le backlog IA (ou engagement de performance restant) désigne la valeur des contrats de services cloud et IA déjà signés mais pas encore livrés. C’est un indicateur fort de visibilité des revenus futurs, car il montre la demande déjà sécurisée, indépendamment des à-coups de court terme.
| Entreprise | Carnet de commandes IA / Cloud | Croissance (sur un an) |
|---|---|---|
| Microsoft (Azure) | 392 Mds $ | +51 % |
| Amazon (AWS) (est.) | ≈ 200 Mds $ | +23 % |
| Google Cloud | 155 Mds $ | +24 % |
Source : rapports d’entreprises, Saxo. Données au 3 nov. 2025. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Montants en USD sauf indication contraire.
Une hausse du backlog indiquerait que les clients s’engagent sur plusieurs années en IA et en cloud. La progression de Microsoft montrerait une adoption entreprise en accélération ; celle de Google refléterait de nouvelles charges de travail liées à l’entraînement IA et à l’analytique ; celle d’Amazon, plus modeste, soulignerait la profondeur et la récurrence de sa base clients.
Pour un investisseur de long terme, ce backlog compterait souvent davantage qu’un simple “beat” trimestriel : il montrerait qui a déjà de la croissance future en portefeuille.
Q. Qui dépense le plus dans l’infrastructure IA, et avec quels écarts ?
L’investissement IA est devenu une course très consommatrice de capital. Ci-dessous les derniers plans de dépenses annuelles d’après les indications et publications des sociétés.
| Entreprise | Plan de capex pour l’année en cours | Estimation de capex pour l’année suivante | Principales zones de focalisation |
|---|---|---|---|
| Alphabet (Google) | 91–93 Mds $ | 116 Mds $ | Centres de données, TPU, infrastructures IA |
| Meta Platforms | 70–72 Mds $ (dépenses appelées à augmenter sensiblement en 2026) | 110 Mds $ | Infrastructure IA, entraînement de modèles, moteurs de recommandation |
| Microsoft | Env. 90 Mds $ | 110 Mds $ | GPU, capacité mondiale de data centers, alimentation électrique |
| Amazon (AWS) | Env. 120 Mds $ | 145 Mds $ | Production d’énergie, réseaux, puces (Trainium / Inferentia) |
| Apple | Modeste, ~14 Mds $ | 15 Mds $ | Écosystème matériel, intégration de l’IA dans les appareils |
Source : rapports d’entreprises, Bloomberg, Saxo. Données au 3 nov. 2025. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Montants en USD sauf indication contraire.
Ces chiffres montreraient un partage des rôles : Meta et Alphabet mèneraient le cycle de dépenses, Microsoft et Amazon augmenteraient la capacité au rythme de la monétisation, Apple resterait sélective dans son écosystème. Des capex élevés ne seraient pas un signal d’alerte en soi, mais ils peuvent accroître la volatilité. Pour un portefeuille déjà en plus-value, cela pourrait inciter à réduire la taille d’exposition plutôt que la conviction de fond.
Q. Quelles entreprises monétisent déjà l’IA, et lesquelles sont encore en phase de préparation ?
Tout le monde investit, mais le retour financier ne serait pas homogène. La monétisation est ce qui séparerait la croissance actuelle de la croissance potentielle.
| Entreprise | Éléments de monétisation IA | Tendance |
|---|---|---|
| Microsoft | Charges de travail IA sur Azure en hausse de plus de 40 % sur un an ; intégration de Copilot dans Office générant des abonnements additionnels | Impact clair et récurrent sur les revenus |
| Amazon (AWS) | Charges de travail liées à l’IA en croissance plus rapide que l’ensemble d’AWS ; forte rétention clients ; marges proches de 35 % | Monétisation régulière |
| Alphabet (Google) | Outils IA intégrés au Cloud et à la publicité ; contribution aux revenus déjà visible, amélioration de la rentabilité | Croît mais resterait en phase de montée |
| Meta | IA améliorant l’engagement et le ciblage pub ; monétisation surtout indirecte à ce stade | Retour attendu plutôt à long terme |
| Apple | « Apple Intelligence » pour stimuler le renouvellement des appareils et la fidélité aux Services | Bénéfice indirect et progressif |
Source : rapports d’entreprises, Saxo. Données au 3 nov. 2025. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.
Le retour précoce se concentrerait donc sur deux noms : Microsoft et Amazon. Google rattraperait avec une rentabilité en amélioration. Meta préparerait le terrain. Apple monétiserait surtout via l’écosystème.
Q. En quoi les activités cloud de Microsoft, Amazon et Google sont-elles réellement différentes ?
- Microsoft Azure serait la plus intégrée au cœur des entreprises (Office, GitHub, Copilot). Avec une croissance d’environ +40 % et un backlog de 392 Mds $, cela montrerait la forte “adhérence” des contrats.
- Amazon Web Services (AWS) resterait le leader en taille et en rentabilité (≈ 33 Mds $ de revenus trimestriels, 11 Mds $ de résultat opérationnel), mais la croissance serait plus modérée (+20 %) car les clients optimisent leurs charges existantes.
- Google Cloud avancerait vite (+34 % sur un an) avec 155 Mds $ de backlog, porté par les clients IA-natifs et les outils d’analyse. La rentabilité s’améliorerait, ce qui pourrait à terme soutenir une revalorisation.
Dans une optique prospective, Microsoft offrirait la visibilité la plus robuste, Amazon la rentabilité actuelle la plus forte, Google un potentiel d’appréciation. Chacun resterait toutefois exposé à des risques propres (exécution, cycle, régulation).
Q. Comment les valorisations se comparent-elles aujourd’hui ?
Intégrer ici le tableau sur les valorisations (traduction du tableau 4)
| Entreprise | PER anticipé à 1 an | PER moyen sur 5 ans | Prime / Décote vs moyenne |
|---|---|---|---|
| Amazon | 26,5 | 37,3 | –29 % |
| Meta | 19,2 | 19,2 | 0 % |
| Microsoft | 30,5 | 29,6 | +3 % |
| Alphabet | 23,9 | 20,2 | +19 % |
| Apple | 32,6 | 27,3 | +20 % |
Source : Bloomberg, Saxo. Données au 3 nov. 2025. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.
Lecture possible :
- Amazon se traiterait sous sa moyenne 5 ans, ce qui laisserait supposer que sa rentabilité n’est pas totalement intégrée.
- Meta serait pile sur sa moyenne : cohérent si la société parvient à investir dans l’IA tout en défendant ses marges.
- Microsoft et Apple se paieraient avec une prime, reflet de la confiance dans leur exécution et leur écosystème.
- Alphabet se paierait au-dessus de sa moyenne, ce qui suppose une poursuite de la croissance et des marges.
En bref : Microsoft et Apple se paieraient “à la confiance”, Alphabet et Amazon “au potentiel”, Meta “à convaincre”.
Q. Quels sont les principaux risques à ce stade ?
- Microsoft : contraintes d’énergie et de puces, pression sur les marges.
- Amazon : ralentissement possible de la croissance cloud entreprise, concurrence sur les prix.
- Google : risque de cannibalisation de la recherche par l’IA, pression réglementaire.
- Apple : exposition à la Chine, cycle produit plus lent, déploiement IA plus tardif.
- Meta : capex IA élevés, surveillance réglementaire.
Q. Faut-il prendre des bénéfices ou se repositionner ?
Après une telle hausse, la question peut se poser. Ce qui suit est fourni à des fins d’information générale uniquement et ne constitue pas un conseil en investissement. Une situation individuelle devrait être évaluée avec un professionnel adapté.
- En cas de fortes plus-values : il serait possible d’envisager un rééquilibrage plutôt qu’une sortie complète, en allégeant les valeurs les plus chères et en maintenant les positions les plus visibles.
- En cas de retard ou de sous-exposition : des replis de marché à court terme pourraient servir de points d’entrée graduels, surtout là où la valorisation est encore proche ou sous la moyenne.
- Pour un portefeuille déjà équilibré : associer une valeur de croissance régulière à un levier IA plus dynamique permettrait de rester dans le thème sans concentration excessive.
L’idée centrale serait de gérer la position plutôt que de prédire le point haut, en restant exposé au moteur de long terme qu’est l’IA, tout en maîtrisant la volatilité de court terme.
Q. A-t-on manqué le rallye ?
La plus grande partie de la hausse “facile” a sans doute été faite. La prochaine étape dépendra davantage de la livraison de bénéfices que de la revalorisation des multiples.
- Pour une entrée tardive : privilégier des entrées échelonnées et des achats sur faiblesse plutôt qu’une entrée en une fois.
- Pour les détenteurs actuels : la croissance pourrait continuer à se cumuler sur les segments à forte visibilité (Microsoft, Amazon) ou sur ceux en rattrapage (Google).
- Pour un profil plus prudent : une exposition par paniers / ETF thématiques permettrait de réduire le risque de timing sur une seule valeur.
La thématique IA passerait d’une “peur de rater la hausse” à une “peur de rater les bénéfices”.
Q. Quels indicateurs suivre au prochain trimestre ?
- Conversion du backlog : quelle part des contrats signés devient du chiffre d’affaires effectif.
- Discipline sur les capex : stabilisation ou non des dépenses IA.
- Monétisation IA : contribution réelle de Copilot, Vertex, charges IA d’AWS…
- Disponibilité énergie / puces : tout goulot d’étranglement pouvant retarder les déploiements.
Ces indicateurs montreraient qui transforme l’IA en croissance récurrente.
Q. Quelle place chaque titre pourrait-il occuper dans un portefeuille équilibré ?
Intégrer ici le tableau de profils d’investisseurs (traduction du tableau 1)
| Profil d’investisseur | Focalisation possible | Justification |
|---|---|---|
| Chercher une croissance régulière dans le temps | Apple, Microsoft | Moteurs de trésorerie prévisibles, bénéfices visibles, programmes de rachats |
| Préférer la croissance et la visibilité | Microsoft, Google | Carnets de commandes solides et trajectoire d’adoption IA bien définie |
| Rechercher un certain confort de valorisation | Alphabet | Valorisation inférieure à certains pairs, rentabilité en amélioration |
| Croire à l’extension de l’infrastructure à grande échelle | Amazon | Moteur AWS à forte marge finançant la croissance du groupe |
| Accepter de la volatilité pour un gain potentiel | Meta | Dépenses IA élevées pouvant générer des retours de monétisation à long terme |
Source : Saxo. Données au 3 nov. 2025. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.
En conclusion
La Big Tech entrerait dans son deuxième acte du cycle IA : moins de narration, plus d’exécution. La phase de hausse portée par les multiples semblerait bien avancée ; la suivante reviendrait aux détenteurs disciplinés, capables de gérer l’exposition.
Microsoft et Amazon pourraient rester les moteurs de trésorerie les plus clairs, Alphabet et Meta offrir des opportunités sélectives, Apple continuer à jouer le rôle d’ancre de stabilité. Plutôt qu’un “tout ou rien”, l’enjeu serait de rester investi de façon intentionnelle dans les segments de la Big Tech qui disposent encore d’un potentiel de bénéfices devant eux.
Mention : l’auteur et/ou des personnes liées pourraient détenir des positions sur un ou plusieurs titres mentionnés au moment de la publication. Ces positions sont susceptibles d’évoluer sans préavis et aucune intention de négociation ne doit en être déduite.