Le retour

Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
Ce jeudi marque le retour des banques centrales sur le devant de la scène. La Banque d’Angleterre (BoE) devrait de nouveau augmenter son taux directeur de 25 points de base. Le marché considère que le taux terminal pourrait grimper jusqu’à 6%. Ce n’est pas aberrant. Mais si la BoE doit agir en ce sens, elle doit le faire vite (au plus tard à la rentrée prochaine). En effet, même si l’économie n’est pas en si mauvaise posture qu’on aurait pu l’anticiper (le marché du travail se porte bien), les indicateurs confirment un net ralentissement. Ajoutons également que la flambée des coûts d’emprunt du Royaume-Uni commence à soulever des inquiétudes. On pensait initialement que c’était lié à l’approche peu orthodoxe de l’éphémère Premier ministre Liz Truss. En réalité, il y a une vraie défiance des investisseurs étrangers à l’égard du pays. Si la situation perdure, et il n’y a aucune raison qu’elle change dans l’immédiat, le gouvernement britannique pourrait être contraint de faire des choix budgétaires compliqués (austérité). Sur le Vieux-Continent, la Banque Nationale Suisse (BNS) va également augmenter de 25 points de base son taux directeur, s’alignant ainsi sur la décision de la Banque Centrale Européenne (BCE). Le gouverneur Jordan s’est exprimé dans les médias la semaine passée confirmant la nécessité de lutter contre l’inflation et donc de remonter le loyer de l’argent. L’inflation est comparativement beaucoup plus faible dans la Confédération que dans les autres pays européens. Mais la BNS ne veut pas commettre l’erreur de nombreuses autres banques centrales en tardant à intervenir. Elle a certainement raison. Dans les deux cas, les décisions de politique monétaire attendues ont déjà été intégrées dans les prix. On peut en revanche attendre un regain de volatilité (même si foncièrement elle reste anormalement basse) en fonction du forward guidance esquissé pour les mois à venir.
- Il n’y avait pas beaucoup de statistiques hier. L’inflation britannique était le principal point d’attention. Il n’y avait que des raisons de s’inquiéter. L’inflation alimentaire continue d’être à des plus hauts, à 18,4% en variation annuelle en mai. L’inflation sous-jacente, qui permet de mesurer précisément les pressions inflationnistes, est repartie nettement à la hausse en mai en atteignant 7,1%, soit son niveau le plus élevé depuis 1992. Dans ces conditions, difficile pour la BoE de faire l’impasse sur une nouvelle hausse des taux.
- On pensait que la crise énergétique faisait partie du passé. Ce n’est peut-être pas encore le cas. Depuis le début du mois, le prix du gaz (en Europe) a doublé. La hausse s’explique en partie par la décision des Pays-Bas de fermer à partir du 1er octobre le principal champ gazier européen, Groningen. Depuis 1985, il a fourni en moyenne 7 à 10% du gaz consommé en Europe. Le timing est particulièrement mauvais pour une fermeture. A noter que le gaz représente 1,9% de la pondération de l’indice des prix à la consommation harmonisé dans la zone euro. Ce n’est pas négligeable. Sans surprise, le prix de l’électricité en Europe (sur le marché de gros) est aussi en nette progression : +50% depuis le début du mois. L’électricité représente 3,1% de la pondération de l’indice des prix à la consommation harmonisé dans la zone euro. C’est énorme. Cela peut représenter un casse-tête considérable pour la BCE si le mouvement haussier perdure.
- Petit électrochoc dans le monde boursier hier. Le groupe Claranova (logiciels, mobile, internet des objets) a été contraint de suspendre temporairement son augmentation de capital à la suite à une action légale entamée par certains actionnaires (augmentation de 20 millions d’euros qui peut être portée à 23 millions d’euros en cas d’exercice intégral de la clause d’extension). Pour l’instant, peu d'informations ont filtré. C’est, en tout cas, plutôt inédit. Le marché avait initialement assez mal réagi à l’annonce de l’augmentation de capital (baisse de 5% du cours de l’action dans la foulée la semaine dernière)
L’agenda des entreprises est vide aujourd’hui.
Outre les réunions de la BNS et de la BoE, les inscriptions hebdomadaires au chômage aux Etats-Unis seront publiées (comme d’habitude). J. Powell, président de la Réserve Fédérale américaine, doit également s’exprimer (impact probablement faible sur le marché).